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servir sur lui, on fera en un mot tous les préparatifs, afin d’obtenir un aveu par la terreur qu’inspire la seule vue de l’appareil des bourreaux[1].

À la différence des lois françaises[2], notre législation ne permet pas qu’un accusé interjette appel du jugement qui l’a condamné à la torture. Damhoudere enseigne cependant que cet appel est légal[3], et Matthæus partage son avis[4]. Leur manière de voir est juste s’il s’agit du droit romain, mais le texte des ordonnances de 1570 porte, au contraire, que la sentence devra être exécutée tout de suite : « La sentence se devra incontinent prononcer par écrit au prisonnier, pour à l’instant la mettre à exécution[5] ». Il n’y a d’exception qu’à Namur[6]. Mais nous constatons dans les documents des

  1. Ce procédé réussit souvent. Rien qu’à Anvers, nous constatons la chose vingt-deux fois, de 1771 à 1788 ; id. à Malines [Office fisc. du Grand Conseil, liasse 27, nos 104 de l’inv.] ; à Bruxelles, sept fois en treize ans, de 1750 à 1763 [voir Procès du Drossard de Brabant, nos 37 à 51] ; à Liège [voir Registre aux prisonniers, fos 57, 87, 239]. « Paris de Puteo, in tract, de syndicatu, verbo torturæ, c. 5, n. 7, assert se vidisse Nobilem, magni criminis insimulatum, qui, cum aulam intrasset, in qua stabat chorda, eà visa, statim cecidit in terram et minxit sub se, et egestionem emisit, quàmvis innocens » [Döpler, Theat. pæn., p. 343].
  2. « Les sentences de condamnation à la question ne pourront être exécutées qu’elles n’ayent été confirmées par arrêts de nos cours » [Art. 7 du tit. XIX de l’ord. de 1670].
  3. « L’on ne jugera personne à être submis à torture que par sentence du juge. Et si le prisonnier en appelle, on l’oirra sans procéder plus avant, iusques à la détermination de l’appel et ce de droict » [Pract. ès c. crim., xxxv, 9, éd. de Paris, 1555, p. 44].
  4. « Requiritur decretum seu interlocutio judicis, qua pronuntiet videri sibi reum eculeo imponendum. Et ab ea quidem interlocutione appellare reo permittitur, quoniam gravem ejusmodi continet, quod, nisi statim appelletur, corrigi postea non possit. Verbis enim satisfieri non potest ei, cui re injuria facta est » [Comment., xlviii, § IV, 6, p. 718 de l’éd. de Cologne de 1727].
  5. Art. 39. Voir Zypaeus, Not. jur. belg., t. II, p. 10, p. 102 de l’éd. d’Anvers de 1665. Voir aussi Grandgagnage, Coutumes de Namur, t. I, p. 129 ; — Casier, Coutumes de Diest, t. I, p. 583.
  6. « Le 20 août 1620 parut une ordonnance réglant la procédure à suivre devant le Conseil de Namur. L’article 31 du chapitre XXVII autorisait le Conseil à ordonner la torture, mais laissait au prévenu la faculté d’interjeter appel de cette sentence. Cette disposition était plus libérale et plus favorable aux droits de la défense que l’article 39 de l’ordonnance de 1570. Quand la question extraordinaire était ordonnée par les cours subalternes, il pouvait être interjeté appel de cette décision devant le Conseil, et l’exécution était suspendue jusqu’après la sentence du juge supérieur » [Lelièvre, De la punition des crimes et délits au comté de Namur, dans les Annales de la Société archéologique de Namur, t. VII, p. 349].