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ont fait retrouver que des exemples peu nombreux d’accusés torturés en vue d’obtenir la dénonciation de leurs complices. Les jurisconsultes discutent le point de savoir à l’égard de qui ce mode d’investigation peut être employé : Zypaeus estime que, seules, les personnes de rang infime y sont soumises[1], tandis que Wynants soutient qu’on peut y appliquer toute espèce de délinquants, du moment que l’existence de complices est certaine[2].

IV. La torture d’inquisition. — La torture dite d’inquisition fut réglementée le 15 avril 1540. Cette année-là, Charles-Quint prescrivit à ses officiers de justice et de police d’arrêter tous les vagabonds, de leur faire subir un interrogatoire minutieux, et de les obliger à justifier de leurs moyens d’existence. Si leurs réponses n’étaient pas satisfaisantes, on devait mettre ces malheureux à la torture pour découvrir si, par hasard, ils n’avaient point commis quelque crime[3]. Précisément parce qu’elle était d’une sévérité excessive, cette loi ne fut guère observée, bien qu’elle menaçât les justiciers négligents de peines rigoureuses, et c’est en vain qu’on la republia à intervalles rapprochés[4]. On

  1. « Hodie, viles præsertim solent de complicibus interrogari àc etiam torqueri » [Notitia juris belgici, lib. IX, 6, p. 299 de l’éd. d’Anvers de 1665].
  2. De publicis judiciis, titre XVIII. En France, la question préalable existait depuis le XVIe siècle dans la jurisprudence parlementaire ; elle fut législativement consacrée par l’ordonnance de 1670 [tit. XX, art. 2], sans protestation d’aucune part. Cependant, cette question préalable était en contradiction avec le principe anciennement formulé en ces termes par le jurisconsulte Paul : « Qui de se confessus est, in alium torqueri non potest, ne alienam salutem in dubium deducat qui de sua desperavit ». À force de sophismes, on parvint à détruire cette règle de bon sens. On demandait à l’accusé, d’une manière générale, s’il avait des complices, et, sur sa réponse négative, on éprouvait par les tourments le degré de confiance qu’il méritait [Voir Allard, Histoire de la justice criminelle au XVIe siècle, p. 303]. — Lorsque, le 24 août 1780, Louis XVI abolit la question préparatoire, il maintint la question préalable, et celle-ci ne disparut des lois françaises que grâce à l’Assemblée nationale constituante.
  3. « Ordonnant et commandant à tous nos justiciers et officiers et ceux de nos vassaulx appréhender tous oyseux et vagabonds qu’ils trouveront à leur pouvoir et jurisdiction, et les interroger de leur vie, conduicte et conversation et sur quoy ils vivent ; et s’ils ne savent donner responce souffisante et vraysemblable, de les mettre à torture et question sans aultre indice » [Plac. de Flandre, éd. de Gand, 1639, t. I, p. 19].
  4. Le 3 février 1542 [Plac. de Flandre, t. 1, p. 24] ; le 15 juin 1556 [Ibid., t. I, p. 35] ; le 30 octobre 1563 [Ibid., t. II, p. 138] ; le 2 novembre 1585 [Ibid., t. II, p. 131] ; le 8 juillet 1599 [Ibid., t. II, p. 153] ; le 26 octobre 1607 [Ibid., t. II, p. 157], et le 15 octobre 1615 [Ibid., t. II, p. 165].