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dans l’abus réprouvé par les ordonnances de 1570, ordonnances dont ils ne font du reste pas même mention. Au contraire, les Fiscaux brabançons se basent sur le texte de ces ordonnances pour condamner la procédure suivie à Malines et dans le duché de Brabant, et leur avis est partagé par leurs collègues de la Gueldre et du Luxembourg[1]. Ces derniers font même observer que la torture est souvent inefficace, attendu que les brigands s’exercent à subir les tourments et arrivent ainsi à un étonnant degré de résistance[2]. En Flandre, on se conforme à la vraie doctrine depuis 1574[3], et le Fiscal remarque que Damhoudere soutenait déjà la même opinion[4]. Le rapport des Fiscaux du Hainaut est conçu dans un esprit analogue, et il résulte donc de l’enquête que l’aveu du criminel est exigé seulement par les Conseils de Brabant et de Malines.

Le Gouverneur général, d’accord avec le Conseil privé, défendit au Magistrat de Malines de torturer l’incriminé[5] et adressa à tous les conseils de

  1. « Le Conseil de Gueldre condamne le criminel à la mort sans torture et sans confession, quand il est ouvertement convaincu par assez de témoins, et qu’il est si clair que le jour qu’il en est l’auteur ».
  2. « La malice du siècle étant monté à un tel degré qu’aujourd’huy plusieurs auroient trouvé le secret de se rendre insensibles dans les questions même extraordinaires, de sorte que si l’évidence de la preuve ne devoit pas suffire, la pluspart des crimes demeureroit sans châtiment, qui est le plus grand de tous les inconveniens ».
  3. « Suivant qu’il conste de certain registre reposant audict conseil où se trouve insérée la lettre de Don Louis de Requesens de l’an 1574 par laquelle il n’enjoint pas seulement d’observer exactement ledit placard (du 9 juillet 1570), mais ordonne aussi bien expressèment d’informer contre les contraventeurs audit placcard ».
  4. « Consilium Flandriæ etiam nullam audit appellationem, vel appellationi non defert, hoc est, neque ob eam unquam sententiæ executionem differt, quando ea fuit diffinitiva, etiam si proprio ore nil confessi sint, modo probata, legitima, digna, certoque probatione convicti fuerint. Sicut multis exemplis id confirmare possem, et potissimum hoc uno, de Joanne quodam Faillant captivo in Consilio Flandriæ, qui proprio ore nil confessus fuerat, ex legitimo tantum certoque multorum testimonio condemnatus et adjudicatus morti fuit » [Damhoudere, Praxis rerum criminalium, cap. CXLIX, 2, p. 453 de l’éd. d’Anvers de 1570]. — Despeisses avait écrit en 1685 : « La question n’est pas introduite pour la peine des criminels, mais pour en tirer la vérité, et partant, un criminel convaincu n’y doit pas être condamné » [Traité des crimes et de l’ordre judiciaire observé ès causes criminelles, t. II, p. 155].
  5. Voir sa dépêche dans le Mémoire de G. de Fierlant sur la torture, p. 184.