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trant ni impatience ni sensibilité, il ressembloit à une statue de marbre, il se disoit résolu à ne jamais rien avouer, dût-on le brûler membre par membre, en ajoutant qu’il aimoit mieux expirer sur la torture que de devoir subir par son aveu une mort cruelle et ignominieuse[1] ».

La femme de ce malheureux adressa à l’Empereur une requête en grâce, implorant sa pitié en considération des souffrances atroces que son mari avait endurées. Suivant l’usage, la requête fut renvoyée à l’avis du Magistrat de Malines. Celui-ci demanda au Gouvernement de l’autoriser « à faire appliquer le prisonnier à la torture la plus efficace usitée en ce païs ou dans les États voisins », ou de lui permettre de condamner le coupable malgré ses dénégations.

La Gouvernante générale, Marie-Élisabeth, voulut s’éclairer d’une manière complète et prescrivit à tous les Fiscaux du pays de lui faire rapport sur la question soulevée. Ces rapports furent renvoyés au Conseil privé qui en présenta la synthèse et joignit son propre avis dans une importante consulte qui est conservée aux Archives générales du royaume[2].

Les appréciations des Fiscaux présentent des différences assez notables. Ceux de Malines estiment que, l’accusé étant suffisamment convaincu, le juge doit procéder à la condamnation « sans insister ultérieurement sur la confession, beaucoup moins l’extorquer par la torture. Car la torture n’a été inventée et receue en droit quam ut veritas quæ aliunde haberi non potest , tormentis adhibitis extorqueatur ». Mais immédiatement après cette déclaration, et par une inconséquence étrange, ces mêmes juristes trouvent qu’il faut s’incliner devant l’usage ; ils se fondent, pour se contredire de la sorte, sur la maxime « confessus non appellat », et disent que, s’il n’y avait pas aveu, l’appel en matière criminelle serait licite[3]. Ils retombent

  1. Mémoire de G. de Fierlant sur la torture, publié par E. Hubert dans les Comptes rendus des séances de la commission royale d’histoire, 5e sér., t. V, p. 180.
  2. Consulte du 29 janvier 1731, Conseil privé, Registre n° 360, f° 236.
  3. « Ils sont de sentiment que S. M. voulant établir un pied fixe pour la vuidange des procès criminels pourroit être servie, pour éviter lesdits appels, de déclarer qu’oultre et par-dessus la conviction des crimes et excès, il sera nécessaire d’avoir la confession de l’accusé soit volontaire, soit par la torture ». — Au sujet du principe erroné : confessus non appellat, voir Mém. de Fierlant, p. 182. en note.