Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un contumace à la torture, c’est qu’il y a d’ailleurs des preuves suffisantes pour lui en faire subir les tourments, afin qu’il procure au juge par ses réponses un apaisement que celui-ci ne croit pas pouvoir trouver par quelque autre moïen ». — Le Conseil de Flandre dit d’une part : « La torture des contumaces seroit déplacée et tendroit à la barbarie » — mais il ajoute d’autre part : « Quand un accusé s’obstine à ne vouloir répondre, l’on procède contre lui par un emprisonnement plus réservé, soit par l’application des fers, soit en le réduisant pour toute nourriture au pain et eau ».

Au cours de nos recherches dans les archives criminelles, nous avons cependant relevé un fait qui contredit l’affirmation du Conseil de Brabant. Le 19 juin 1744, Guillaume W…[1], accusé de divers vols qualifiés, comparut devant les échevins d’Anvers et garda durant les interrogatoires un silence obstiné. La Vierschaere le fit examiner par des médecins, et ceux-ci, dans un minutieux rapport qui nous a été conservé, déclarèrent que le mutisme de l’inculpé provenait d’une mauvaise volonté manifeste, et nullement d’un défaut physique[2]. En conséquence, Guillaume W… subit, le 15 juillet suivant, durant près de quatre heures, le supplice du collier à pointes (Halsband), et finit par avouer qu’il avait simulé la surdi-mutité pour sauver l’honneur des siens : « voor d’eere van sijne familie[3] ».

  1. En règle générale, nous ne désignons que par leurs initiales les condamnés dont nous avons trouvé les noms dans nos archives judiciaires ; en cette matière délicate, une scrupuleuse discrétion doit être de règle, et nos lecteurs nous approuveront certainement. Nous n’avons fait d’exception que pour les procès déjà connus par d’autres publications, comme celui de l’abbé Bauwens en 1781, de Philippe Mertens en 1791-1792, etc.
  2. Voir pièces justificatives, n° V.
  3. Vlierschaerboek van Antwerpen van 28 augustus 1729 tot 29 januar 1757, fus 235-244. Guillaume W… fut étranglé secrètement dans sa prison le 14 août 1744, en vertu d’un ordre formel des Gouverneurs généraux : « Aïant eu rapport de l’avis que vous avez rendu le 5 de ce mois sur la requête des plus proches parents de Guillaume W…, détenu aux prisons d’Anvers, Nous vous faisons cette pour vous déclarer qu’en cas que par votre sentence à rendre au procès criminel du même prisonnier, il soit condamné à subir pour ses crimes la peine de la corde, notre intention est qu’elle soit exécutée en prison sur la personne dudit prisonnier en l’y étranglant secrètement et avec le moins du (sic) bruit possible ». — Les parents de W… avaient demandé que cette exécution fût secrète, afin d’éviter à leur famille le déshonneur d’un supplice public. [Dossier aux archives de la ville d’Anvers.]