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Dans la pratique, au mépris des ordonnances de 1570 et par une extension abusive, la torture a été usitée dans les cas suivants : 1° contre les « contumaces », — c’est ainsi qu’on désigne alors les accusés qui gardent un silence opiniâtre ; 2° contre les convaincus qui persistent à nier leur crime ; 3° pour découvrir les complices d’un criminel convaincu ; 4° contre les vagabonds, — c’est ce qu’on appelle la torture d’inquisition. Enfin, il y a la torture autorisée par la législation de Philippe II : quand l’accusé nie, et que les preuves relevées contre lui ne sont pas complètes.

I. La torture contre les contumaces. — Il semble qu’au XVIIIe siècle, la torture contre les contumaces ou muets volontaires n’ait plus été en usage dans les Pays-Bas. Du moins, le Grand Conseil de Malines, les conseils de Brabant, de Hainaut, de Flandre, de Tournai et de Namur l’affirment[1]. Ils sont d’avis qu’en général il n’y a point de proportion entre le silence, même obstiné, et les tourments de la question ; que ce genre de procédure est à la fois une cruauté et une injustice. Les juges doivent considérer le contumace comme niant le crime qui lui est reproché, et « développer les charges » comme dans un procès ordinaire.

Certains conseils font cependant des restrictions. Le Conseil de Namur admet la torture des contumaces dans un cas : « S’il arrivoit que les preuves du procès seroient dans un tel degré que le criminel devroit être torturé, nous croions qu’il ne devroit pas moins y être appliqué, ainsi que l’on feroit de celui qui auroit répondu ». — En Brabant, « si l’on condamne

    Archiducs en 1618 dans de Limburg-Stirium, Coutumes de la ville et du pays d’Alost, p. 157]. — Voici une disposition exceptionnelle et assez singulière : « La ville de Landen a sa justice, et le mayeur de Tirlemont fait l’exécution, sans que les malfaiteurs soient aucunement condamnés par les échevins de Landen, lesquels échevins ne siègent, en matière criminelle, que jusqu’à la torture ou question rigoureuse » [Casier, Coutumes du Brabant, t. I, p. 773].

  1. Avis du Grand Conseil de Malines, 5 novembre 1771, Registre 406bis du Conseil privé ; — Id. du Conseil de Namur, 18 novembre 1771, Ibid. ; — Id. du Conseil de Tournai, 11 février 1772, Ibid. ; — Id. du Conseil de Flandre, 28 décembre 1773, Ibid. ; — Id. du Conseil de Brabant, 29 mars 1774, Ibid. ; — Id. du Conseil de Hainaut, 29 juillet 1781, Ibid. ; — Dans le pays de Liége, la torture des contumaces est interdite. Voir Style de Liége, p. 52, en note.