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avaient dû renoncer au combat judiciaire et aux ordalies. Il leur fallut se résigner à chercher la vérité dans les dépositions des témoins, dans l’examen des faits, dans des interrogatoires habiles.

Beaucoup d’États, nous l’avons vu, nous avaient devancés dans ce domaine. D’autres furent plus lents à réaliser ce progrès. Nos voisins de Hollande, constitués en République batave sous le protectorat déguisé de la France, n’abolirent la torture qu’en 1795[1] ; encore l’abolition n’était-elle décrétée qu’en principe ; un règlement provisoire du 10 octobre 1798 autorisa le juge d’instruction à employer tel moyen qu’il croirait convenable pour forcer l’accusé à parler. On vit en 1802, à Amsterdam, un certain Jansen, accusé d’avoir assassiné sa femme, recevoir des coups de nerf de bœuf qui provoquèrent l’aveu sur lequel il fut condamné à mort[2] et exécuté en 1803. Ce règlement resta en vigueur jusque 1809. Chose incroyable, on vit en 1814 le prince-régent d’Angleterre, de cette Angleterre qui se vantait[3] de n’avoir jamais connu la torture, réintroduire la question préparatoire dans la législation de Hanovre[4] !

Jusqu’en 1860, la torture se pratiquait en Suisse, dans les cantons de Fribourg et du Tessin[5], et elle ne fut supprimée dans la Sicile qu’après la constitution du royaume unitaire d’Italie[6]. Tant les abus séculaires les plus révoltants sont lents à disparaître de la surface de l’Europe[7].

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  1. Il est juste de faire remarquer qu’en dehors de la province de Hollande proprement dite, on n’usa plus guère de la question dans les Pays-Bas du Nord.
  2. Voir Van Hall, Regtsgeleerde verhandelingen, cité par De Bosch-Kemper, I, cxxxvi. — Voir aussi Meyer, t. IV, p. 307. — De Wind, Bijzonderheden, p. 25.
  3. À tort, nous l’avons vu. Mais la torture avait disparu de ses tribunaux depuis plus de deux siècles.
  4. Meyer, I, xlvi, en note.
  5. Tissot, Le droit pénal, p. 243.
  6. Lea, Superstition and force, p. 587.
  7. Au moment où nous corrigions l’épreuve de cette feuille, M. P. Verhaegen, juge au tribunal de Bruxelles, a eu l’obligeance de nous indiquer un fait intéressant qui avait échappé à nos recherches. Le 27 octobre 1789, le comte de Trauttmansdorff écrivit à Vienne afin d’être autorisé à mettre à la torture plusieurs individus impliqués dans les complots ourdis contre le Gouvernement. Dès le 7 novembre, le prince de Kaunitz répondit par une interdiction formelle. Nous insérons la correspondance de Trauttmansdorff avec Kaunitz aux pièces justificatives, No X. Nous avons vu, p. 128, que Kaunitz, découragé par les circonstances, laissa restaurer la torture en 1792.