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torture est « un moyen autorisé et même prescrit par les lois du païs » ; les deux fois que l’accusé y a été appliqué, il a fait des aveux satisfaisants, mais comme il les a rétractés, « il est nécessaire de l’y faire appliquer de nouveau » ; d’autre part, les échevins anversois insistent avec force pour que le Gouvernement « n’arrête pas le cours de la justice ». Le Conseil privé se rangea à cet avis et fit valoir des considérations qui nous étonnent, quand nous songeons au rôle que ce collège avait joué autrefois[1] : « Le Conseil, ayant délibéré, ne peut qu’exposer qu’il s’agit d’un crime atroce dont l’on ne peut entendre les circonstances sans frémir, que le juge aiant trouvé que pour son appaisement, il devoit apprendre par l’accusé même quelques-unes de ces circonstances connues au procès, mais non communiquées à l’accusé, afin qu’en les avouant, le juge ait devers lui cette assurance phisique que l’accusé est effectivement l’auteur ou le complice du crime, parce qu’il avoue des choses que le juge sait vraies et que l’accusé ne peut sçavoir que parce qu’elles sont son propre fait, il seroit contraire aux règles de la justice d’arretter le juge dans ce qu’il trouve nécessaire pour parvenir à la conviction complette de l’accusé ». On croit lire l’avis d’un des tribunaux routiniers de 1766 ou de 1771 ! L’archiduchesse admit le 5 août les conclusions du Conseil privé. Dès le 8 août, Mertens était de nouveau condamné à la question, et le lendemain il subissait pour la troisième fois le supplice du « stoeltje ende halsband », depuis midi jusqu’à 1 h. 45 m. de la nuit. À cette heure, non seulement il s’avoua coupable de l’assassinat des époux Matthourné, mais il reconnut avoir fait partie d’une bande de « sommeurs » du pays de Horne, et confessa avoir abjuré Dieu et adoré le diable. Le lendemain, il revint encore une fois sur ses déclarations de la veille « daer toe voegende dat hy die bekentnissen eeniglyk gedaen heeft door de pyne van torture ».

Cependant l’écho de cette cruelle procédure était parvenu jusqu’à Vienne. Dans sa séance du 31 juillet 1792, la Jointe aulique pour les affaires des Pays-Bas décida de réclamer au Ministre plénipotentiaire des explications

  1. Le Conseil privé était composé, en 1771, de la manière suivante : MM. de Kulberg, de Wavrans, de Crumpipen, Plubeau, de Grysperre, Leclerc, de Fierlant et Philippe de Neny. — En 1792, y siégeaient : MM. Leclerc, Sanchez de Aguilar, de Limpens, Reufs, de la Vielleuze d’Hove, de Berg, Van der Fosse et de Muller.