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Ce code supprimait la peine de mort, abolissait la torture, la marque, la confiscation, le serment des prévenus, les dénonciations secrètes et la condamnation par contumace. Enfin il prescrivait une mesure profondément humaine : les accusés reconnus innocents devaient recevoir une indemnité équitable. Ce qui avait été décrété à Florence ne parut pas applicable à Bruxelles.

Vint l’envahissement de la Belgique par les troupes de Dumouriez. Le 8 novembre 1792, une proclamation du général en chef déclara « le peuple belge libre et dégagé de l’autorité de la maison d’Autriche ». Nos provinces vécurent dès ce moment sous le régime des lois françaises. Or, nous l’avons vu, un décret de l’Assemblée nationale du 11 octobre 1789, sur la réformation provisoire de la procédure criminelle, portait à l’article XIV : « L’usage de la sellette et la question dans tous les cas sont abolis ».

Mais après la bataille de Neerwinden [18 mars 1793], la domination autrichienne fut rétablie pour quelque temps ; avec elle notre ancienne législation rentra en vigueur, et, de nouveau, les chevalets se dressèrent dans nos cours de justice. Un des derniers procès de cette époque mérite d’arrêter un moment notre attention par la multiplicité et le raffinement des supplices qui Y furent mis en œuvre.

Le 9 octobre 1790, on avait trouvé assassinés dans leur maison à Anvers, les époux Matthourné, Hollandais de naissance. Les soupçons se portèrent sur un de leurs voisins, Philippe Mertens. Il fut écroué à la prison du Steen le 27 novembre. L’instruction du procès fut longue : le 9 mars 1792 seulement, l’accusé comparut devant la Vierschaere pour y entendre lecture des charges portées contre lui[1]. Les exceptions opposées par Mertens furent écartées comme entachées de « frivolyteit ende impertinencie », et le 15 juin, le tribunal décida de solliciter du Gouvernement l’autorisation de procéder à la torture. La requête des échevins, que nous avons retrouvée dans les archives du Conseil privé[2], insiste surtout sur l’atrocité du crime, sur le nombre et la force des indices relevés, sur les mauvais antécédents de l’accusé, qui « a été décrété de prise de corps en

  1. Voir ces charges aux pièces justificatives, n° X.
  2. Conseil privé, cart. 755bis. — Nous avons étudié le volumineux dossier de l’affaire Mertens aux Archives communales d’Anvers. Les Archives du Conseil privé contiennent aussi un grand nombre de pièces relatives à ce procès.