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nelle, sous le régime du décret du 3 février 1784 que nous avons cité plus haut. On ne pouvait appliquer un accusé à la torture qu’après en avoir obtenu l’autorisation du Gouvernement[1]. C’est ainsi que le 10 avril 1790, l’office du village d’Attre, qui détenait Benoit D… et Donat B…, accusés d’assassinat, demanda aux États généraux du Hainaut[2] la permission « d’appliquer ces individus à la torture ordinaire et au besoin extraordinaire pour avoir l’aveu des crimes dont ils sont prévenus et chargés ». Ledit office base sa requête sur le décret du 3 février 1784. Par décision des 7 et 8 juin, l’autorisation fut accordée[3].

Quand, après le pitoyable avortement de la révolution brabançonne, la maison d’Autriche eut été restaurée dans les Pays-Bas, Léopold II, par la déclaration de Francfort du 14 octobre 1790, s’engagea à « gouverner chacune des provinces belgiques sous le régime des constitutions et privilèges qui étaient en vigueur pendant le règne de l’impératrice Marie-Thérèse[4] ». L’édit du 3 avril 1787 resta donc supprimé ; la torture reprit sa place dans nos codes, et elle fut de nouveau appliquée à diverses reprises. Le 17 août 1794, Philippe K…, détenu à Maesniel, en Gueldre, depuis le 18 avril 1790, demanda au souverain d’être dispensé de la torture ; le Conseil privé fit « mettre sa requête aux actes[5] ».

Et cependant le souverain des Pays-Bas était ce même Léopold II qui avait introduit dans ses États de Toscane un code nouveau, œuvre de Vernaccini et de Ciani, qui peut être considéré comme l’acte législatif le plus hardi du XVIIIe siècle, car l’Assemblée constituante elle-même n’alla pas aussi loin que Léopold dans la voie des réformes pénales.

  1. La chose est formellement stipulée par les États de Namur, le 10 avril 1790. Voir Lelievre, De la punition des crimes et délits au comté de Namur, p. 19.
  2. D’après la décision des États généraux du 10 janvier 1790, les États provinciaux exercent, chacun dans sa province, le pouvoir exécutif.
  3. Le clergé des États du Hainaut refusa de s’expliquer et remit la décision aux deux autres ordres : « Nosseigneurs du clergé estimant qu’ils ne doivent s’expliquer sur la demande dudit placet, sont d’avis de laisser la chose à la discrétion des seigneurs des deux autres ordres. — Dudit jour, 7 juin, Messeigneurs de la noblesse sont d’avis qu’il n’est d’obstacle à ce que l’office d’Attre fasse pratiquer les devoirs ordonnés par la sentence ci-jointe. — Du 8 dito, Messeigneurs du Tiers-État sont de l’avis de Nosseigneurs de la noblesse » [Dossier d’Attre, 1790, aux Archives de l’État à Mons].
  4. Collection des placards des Archives du Royaume, t. XXIV.
  5. C’est-à-dire la repoussa. Cons. privé, cart. 755bis.