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texte de circonspection, laisser en suspens des mesures qu’ils estiment justes et bienfaisantes[1].

La réorganisation des tribunaux fit naître de véhémentes critiques, mais nous n’avons pas découvert de protestations nouvelles contre l’abolition de la torture : des événements plus graves absorbaient l’attention des corps judiciaires. Seul, le Conseil de Hainaut prétendit plus tard que le souverain avait outrepassé ses pouvoirs, « attendu que la torture était approuvée par la disposition formelle des chartes et coutumes particulières de ce pays, art. 26, chap. 136, auxquels les souverains se sont imposé la loi de ne point déroger sans l’avis et participation des trois ordres qui composent les États du pays[2] ».

L’édit du 3 avril 1787 n’empêcha pas la Vierschaere d’Anvers de condamner le 17 juin suivant Joseph S…, accusé de vol, à subir la torture ; il est vrai que le procès-verbal de la question manque aux archives, mais le fait de la condamnation n’en est pas moins remarquable. Il n’y a de trace de protestation de l’Écoutète ni à Anvers ni au Conseil privé[3]. Bien plus : le 4 mars 1788, l’Écoutète, dont les fonctions consistent spécialement à faire exécuter les lois, requiert lui-même que Gérard R…, François G… et Pierre G…, accusés de vol, soient soumis à la « scherpere examinatie[4] ». Même réquisitoire, le 12 avril 1788, en cause de Nicolas B… et consorts, accusés de pillages[5], et le 19 septembre de la même année, en cause de Pierre Van R…, accusé de meurtre[6]. Les réformes impériales n’eurent en effet qu’une durée éphémère. Dès le 30 mai 1787, les gouverneurs généraux, cédant aux réclamations des États de Brabant, avaient suspendu l’exécution des diplômes concernant la nouvelle organisation judiciaire, et cette concession fut approuvée au nom de l’empereur par le comte de Murray, dans sa dépêche du 11 septembre 1787.

L’édit étant retiré, on rentrait, en ce qui concerne la procédure crimi-

  1. Nous voulons évidemment parler des mesures que le prince a le droit de décréter en vertu de son pouvoir législatif dans les limites des constitutions nationales.
  2. Voir Bulletin de la Commission des lois et ordonnances, t. III, p. 180.
  3. Vierschaerboek der stad Antwerpen van 4 januari 1776 tot 28 december 1792, fos 159-164.
  4. Ibid., fos 183-195.
  5. Ibid., fos 195-202.
  6. Ibid., fos 232-272.