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Les Conseils de Namur et de Flandre protestèrent. Le premier fit valoir que le secret serait mal gardé par les justices subalternes et que le décret impérial aurait de fâcheuses conséquences au point de vue de la criminalité[1]. Le second se plaignit assez aigrement d’être « mis en curatelle » et, se basant sur l’autorité de Montesquieu, qu’on est assez surpris de voir invoquée en cette occurrence, il dénonce dans la dépêche du 3 février une confusion des pouvoirs législatif et judiciaire[2]. Le Gouvernement répondit qu’il exerçait de plein droit la haute surveillance sur tous les tribunaux des Pays-Bas et que le Conseil de Flandre avait à se soumettre[3]. Il n’y eut pas d’autres protestations[4]; le Conseil de Namur s’empressa d’adresser la dépêche impériale à toutes les cours subalternes de son ressort[5] ; les Conseils de Hainaut, Tournai-Tournésis, Brabant et Luxembourg suivirent cet exemple[6].

Le Conseil privé veilla du reste à la stricte exécution du décret, et, d’autre part, chaque fois qu’un tribunal sollicita l’autorisation de torturer un accusé, il fut nettement éconduit. Dans plusieurs réponses à des requêtes de l’espèce, le Conseil déclare que le Gouvernement « a pris pour principe

  1. Correspondance du Conseil de Namur avec le Gouvernement, Registre de 1783-1784, fos 214-217 [aux Archives de l’État, à Namur].
  2. « L’on pourroit dire, de la manière dont le décret est conçu, que tous les juges sont mis sous la curatelle du Gouvernement, et que celui-ci veut être le seul juge des causes criminelles, lorsqu’il s’agit de condamner à la torture. Nous ne pensons pas du tout que ce soit là l’intention du Gouvernement, mais la tournure et le sens du décret n’en paroit pas moins tel, et puis, en supposant que l’on veuille seulement faire dépendre l’application de la torture, lorsqu’elle est ordonnée par le juge, de la volonté momentanée du Gouvernement, convient-il que ce moien de preuve, qui est reçu par les lois, dépende de cette volonté dans chaque cause spécifiquement ? Convient-il que le législateur soit juge ? Montesquieu a démontré que ceci ne convient nullement » [Cons. privé, cart. 755bis].
  3. Conseil privé. Registre 559, fos 97 à 103.
  4. Tout au moins n’en existe-t-il pas de traces dans les archives du Conseil privé.
  5. Les accusés de réception sont conservés dans la Correspondance du Conseil avec le Gouvernement, 1783-1784, fo 217 [aux Archives de l’État, à Namur].
  6. Le Conseil de Hainaut, dès le 11 février, voir Registre des avis, 1783-1784, n° 2899 [aux Archives de l’État, à Mons] ; — le Conseil de Tournai-Tournésis, dès le 14 février, voir Collection des placards imprimés des Archives générales du Royaume, t. XXI ; — le Conseil de Brabant, le 18 février, ibid. ; — le Conseil de Luxembourg, le 18 mars, voir Registre du Conseil, LL, fo 39. Nous n’avons pas trouvé de décrets analogues dans les archives du Conseil de Flandre ni dans celles du Conseil de Gueldre.