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judiciaire, et il arrive que de graves abus échappent à la vigilance de l’autorité supérieure. Le 13 octobre 1781, le Fiscal de Flandre déclare, dans une enquête ordonnée par les gouverneurs généraux, que François C…, bourgeois de Bruges, a subi d’horribles tourments parce qu’il refusait de s’avouer coupable de viol[1]. Le 14 juillet 1783, le Conseil privé est obligé de rappeler à la Cour féodale d’Alost que l’on ne peut torturer un accusé convaincu à suffisance de droit, uniquement pour obtenir son aveu[2]. Le 15 décembre de la même année, il obtient des gouverneurs généraux qu’il soit fait grâce de la torture à Jean-Baptiste L…, accusé de viol, condamné à la question ordinaire et extraordinaire par les échevins d’Ypres[3].

En 1784, l’empereur accentue son attitude. Un décret du 3 février défend

  1. « Il a subi devant les échevins trois fois la torture, a ensuite dû jeûner neuf jours au pain et à l’eau, a été mis ensuite dans un cul de fosse pendant trois semaines ; après cela posé à pieds nus sur du latis d’un bois plus tranchant qu’un coutteau, un collier de fer au col, une énorme curasse du même métal attachée à son corps par huit côtés, par laquelle on lui fit passer les bras étendus jusqu’à dislocation, entre les ouvertures des grosses pièces de chênes tendues, qui en se resserrant lui fracassèrent tous les os ; ses doits de pieds liés ensemble et meurtris par les cordes avoient été attachés à une cheville de fer, et après avoir enduré tous ces tourments, on ne lui a donné pour se refaire qu’un morceau de noir pain de seigle et un peu d’eau de pluie puante. Après ce, on l’a chargé d’une si pesante paire de chaînes qu’il a eu peine à les traîner. Lors qu’au milieu de ses souffrances, le supliant poussait des soupirs pour se plaindre de cette dureté, on a eu l’inhumanité de l’attacher à quatre colonnes de fer, de lui déchirer et meurtrir le corps à coups redoublés de nerfs de bœuf, en lui disant in verbis : allez maintenant poursuivre votre droit » [Conseil privé, cart. 382].
  2. Conseil privé, carton 706. Il s’agit d’une femme du village de Welden « véhémentement suspecte d’avoir dérobé un corps de juppe et un tablier de toile avec trois à (sic) quatre grosses chemises. D’ailleurs les médecins la jugent trop faible pour être appliquée à la question sans exposer sa vie ».
  3. Le Conseil a observé que « puisque le juge n’a pu tirer des preuves faites à charge de l’accusé ce degré de conviction nécessaire pour le condamner sans son aveu à la peine capitale que méritoit le crime dont il étoit prévenu, il paroît préférable de lui faire subir une moindre peine que de le soumettre à l’épreuve incertaine et cruelle de la torture » [Conseil privé, carton 708]. — Même décision le 19 janvier  1782, en cause des hommes de fief du pays de Waes contre Jean J…, accusé d’assassinat : « Ne pas l’exposer à l’épreuve cruelle et incertaine de la torture » [Ibid., carton 718]. — Même décision le 26 janvier 1784, en cause des mêmes qui ont insisté : « La torture n’étant qu’un moyen dangereux et peu sûr pour découvrir la vérité, on ne peut sans inconvénient en permettre l’usage absolu, même aux juges supérieurs » [Ibid., cart. 751bis].