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mauvaises suites qui doivent en résulter et l’embarras dans lequel ils doivent naturellement jeter le juge[1] ». Mais Bauwens ayant refusé de répondre, ses juges insistèrent assez aigrement auprès des gouverneurs généraux pour qu’il leur fût permis de le mettre à la question. « On a vu le Gouvernement stater des procédures, interdire l’exécution des sentences, accorder des grâces, mais on ne se souvient pas qu’on ait touché à la forme de la procédure, qu’on ait gêné le juge dans les moiens de preuve ou dans les principes qui doivent guider son opinion. La question est un moien de preuve ordonné par nos placards et consacré par l’usage, il a dirigé en partie nos opinions dans l’arrêté que nous avons fait dans la cause. Ce moien étant supprimé, nos opinions deviennent altérées, et nous n’avons plus de guide sûr pour notre détermination ». Encore une fois, le Gouvernement tint bon et ordonna au Conseil « de passer, sans plus emploier aucune espèce de torture, à la décision définitive du procès[2] ». Une décision analogue fut prise à l’occasion d’une poursuite intentée par les échevins d’Anvers à charge de Pierre-Gommaire S…, accusé d’un crime horrible[3] et surabondamment établi. Starhemberg écrivit à la Vierschaere que la torture ne pouvait être décrétée dans l’espèce.

Certains tribunaux, sans manifester encore des sentiments abolitionnistes, ne veulent pas agir contre les vues du Gouvernement et s’abstiennent d’infliger la question[4]. Mais ils constituent une exception dans le monde

  1. Ibid., E, Conseil de Flandre, fo 206, Procès-verbaux, t. VII, pp. 114-116.
  2. « Comme nous sommes informés que quelques sièges de justice appliquent les accusés criminels à la question, et cela uniquement pour avoir leurs aveux, quoique cet abus ait été formellement proscrit par l’article 61 de l’édit criminel du 5 juillet 1570 et par différents décrets, nous vous prévenons que notre intention est que cet article soit ponctuellement suivi relativement à la question ou torture » [Copie dans le Vierschaerboek der stad Antwerpen van den 4 januar 1776 tot den 28 december 1792, fo 68].
  3. « De soo schroomelyke onkuyscheid tegens de nature, te weten de sonde van sodomie, ende dit niettegenstaende hy een getrouwt man is ».
  4. C’est le cas à Tournai. Le 17 octobre 1782, D…, accusé d’un vol important, est traduit devant le Magistrat : « Les vingt-trois indices relevés ne permettent pas de douter que le nommé D… ne soit un des coupables. Ceux du Magistrat de Tournai se sont réunis et ont procédé au jugement à l’intervention de deux membres du Conseil de Tournai, comme il est de règle. Ils se seroient réunis pour appliquer l’accusé à la question, si, comme ils le disent, ils n’avoient envisagé ce moien comme peu conforme aux intentions et aux vues déjà manifestées du Gouvernement contre l’usage de la torture. Cependant quatre juges sur neuf ont opiné de lui faire subir la question ordinaire et extraordinaire » [Conseil privé, carton 705].