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le magistrat à subir la torture. Il adresse au souverain une requête en grâce ; elle lui est accordée sur l’avis favorable du Conseil de Gueldre, qui est resté l’adversaire déterminé de la question et qui fait d’ailleurs valoir « l’insuffisance des charges[1] ».

La dernière année du règne de Marie-Thérèse est marquée par deux procès importants. Les frères de Liévin B…, de Gand, qui était accusé d’avoir assassiné sa femme, s’adressèrent, le 5 août 1780, au gouverneur général, afin d’obtenir que le procès se fit sans mise à la question. Chose étrange, alors que nous avons vu, à diverses reprises, le Conseil privé se déclarer partisan de l’abolition de la torture, alors qu’il la supprime souvent d’une manière indirecte par le moyen de la grâce ou des lettres d’abolition, cette fois il se désintéresse de la chose et il semble même faire un grief aux frères de l’accusé de leur intervention[2]. Cependant, on demande pour la forme l’avis des échevins de Gand, et ceux-ci renvoient la requête

  1. « Il serait superflu de relever de nouveau l’inutilité, l’insuffisance et l’atrocité de cette coutume barbare, inventée pour convaincre un accusé à charge de qui il n’y a pas assez de preuve à le condamner à la peine que son crime, lui objecté, peut mériter. Nous croyons l’avoir démonstrativement combattu par notre avis rendu à Votre Majesté, le 30 juin 1766, sur l’usage de la torture… On a déjà adopté dans plusieurs États le système de son abolition qui n’y fait sentir aucun des inconvénients que les défenseurs de cette pratique cruelle y opposent… Nous proposons la grâce, et cela afin d’éviter l’exécution d’une torture que nous croyons avoir été décernée soit irrégulièrement, soit avec trop de rigueur… Sous l’apparence d’un devoir mis en œuvre pour s’assurer si un accusé mérite ou non d’être puni, on lui inflige cependant par le fait une punition très flétrissante et très douloureuse qui a causé souvent la mort de l’accusé sans qu’on ait su même si jamais il avait été coupable » [Minute dans le Registre du Conseil de Gueldre, fos 117 à 127. — Expédition dans le carton 716 du Conseil privé ; en marge : « Je me conforme, (S.) Charles de Lorraine »].
  2. « L’usage de la torture dépend de la connoissance et discernement du juge ; des particuliers n’ont pas le droit de se mêler de cet objet ; que, du reste, s’il y a des nullités, ce serait devant le Conseil de Flandre qu’on devrait les intenter, et il n’y a pas la moindre raison qui puisse engager le Gouvernement à se mêler de l’instruction de cette cause dans laquelle on doit présumer que le Magistrat de Gand procède suivant les règles, tandis qu’il est apparent que les suppliants aimeraient mieux d’accrocher la poursuite par des allégations hasardées » [Consulte du 26 août 1780, carton 716 du Conseil privé]. — Il est à noter que, par leur décision du 2 septembre 1780, les échevins de Gand refusèrent même à B… de se faire défendre par un avocat [Archives communales de Gand, Affaires criminelles, portefeuille 213-214].