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En 1776, Joseph De T…, natif de Mullem, dans la châtellenie d’Audenarde, fut accusé de vol et s’enfuit. Son père demanda grâce pour lui, et fit valoir que les preuves produites à sa charge étaient de peu de valeur ; cependant, disait-il, si on l’arrête, la torture lui arrachera peut-être un aveu mensonger. Le gouverneur général accorda au suppliant des lettres d’abolition. Le Conseil privé, consulté, avait signalé à l’attention du prince que « ce dessein d’appliquer la torture à un homme, qui peut-être est très innocent, est odieux et révoltant, et que cela seul paraît devoir engager Son Altesse Royale à arrêter les poursuites[1] ». Le 21 décembre 1775, Henri M…, accusé de vol, est torturé à Anvers[2] ; le 20 juin 1778, Norbert T…, accusé de meurtre, est condamné à subir la question ; mais sa femme obtient du gouverneur général un décret de grâce[3].

Un cas plus intéressant se présente dans une juridiction rurale du Brabant. En 1779, Guillaume Desmet, échevin de la commune de Meldert, près Tirlemont, fut décrété de prise de corps comme incendiaire[4], et, bien qu’âgé de plus de 62 ans, appliqué à la torture durant dix-huit heures consécutives[5]. Or, on n’avait pas même démontré que l’incendie fût dû à la malveillance, et, suivant l’expression des jurisconsultes, il ne « constait pas du corps du délit ».

La même année, Laurent T…, détenu dans la prison de Maesniel, seigneurie de Daelembroeck, en Gueldre, accusé de faux et de vols, est condamné par

  1. Protocole du Conseil privé, du 16 décembre 1776, carton 695 du Conseil privé.
  2. Vierschaerboek der stad Antwerpen du 20 mai 1757 au 21 décembre 1775, fo 287.
  3. Vierschaerboek der stad Antwerpen, 4 janvier 1776 au 28 décembre 1792, fos 24-49.
  4. Voir Greffe scabinal de Meldert, n° 1352bis aux Archives générales du Royaume. — Voir aussi Mémoire justificatif pour Guillaume Desmet, condamné par justice définitive à une détention à la maison de correction à Vilvorde après avoir subi par sentence provisoire la question préparatoire. Genève, 1787, in-4o, signé in fine : « Van den Hoop, avocat ».
  5. « Dix-huit heures continues dans la gêne, devant un feu augmenté de moment à autre, au point de lui faire fondre la graisse des jambes et des genoux : les yeux bandés, ayant au col le collier garni de pointes ; ses quatre membres allongés par l’effet des poids, redoublés jusqu’à ceux de quarante-huit livres ; sa jambe verrinée après quatorze heures de souffrances, son corps disloqué par la longueur de la gêne ; ses fesses découpées par la perte de plusieurs livres de chair, à la suite des opérations chirurgicales. Pour le guérir des blessures que le tranchant de la sellette avait formées, on dut lui emporter trois livres de chair par des incisions ». Mémoire justificatif, p. 5.