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le nom de leurs complices. De plus, en 1766, le seul Conseil de Gueldre était entré jusqu’à un certain point dans les vues novatrices du Gouvernement ; en 1771, ce Conseil persévère dans sa manière de voir[1], et nous avons de plus à signaler l’adhésion du lieutenant général et de l’avocat général de Tournai-Tournésis ; d’autre part, la minorité du Conseil de Hainaut a encore accentué son attitude en souscrivant nettement à l’éloquent plaidoyer de G. de Fierlant. Les conseillers dissidents rappellent les arguments d’ordre moral invoqués par le magistral bruxellois et insistent sur les nombreuses et lamentables erreurs judiciaires dont la torture a été cause[2] ; ils rappellent aussi le grand principe magistralement développé par saint Paul : « On ne doit jamais faire le mal, quelque bien qu’on en puisse espérer[3] ». Le lieutenant général de Tournai, Morel, et l’avocat général Malliet flétrissent énergiquement la torture ; ils la déclarent « inique, barbare, cruelle et déplorable[4] », et concluent à son abolition pure et simple.

Il y a donc un progrès accompli depuis 1766 ; les résistances ont faibli, mais les répugnances contre les « spéculations nouvelles » subsistent toutefois, quoique moins absolues, et le Gouvernement ne croit pas pouvoir passer outre. Tandis qu’un billet impérial du 3 février 1776 abolissait la torture dans les États héréditaires d’Allemagne, y compris le Banat de

  1. Avis du Conseil de Gueldre, Ibid., 105, 108.
  2. Et dont deux, disent-ils, se sont produits récemment en Hainaut [Avis du Conseil de Hainaut, Ibid., 122]. Nos recherches dans les archives de Mons ne nous ont pas fourni de renseignements sur les erreurs judiciaires auxquelles le Conseil fait allusion.
  3. Id., Ibid., 126.
  4. Avis du lieutenant général et de l’avocat général de Tournai-Tournésis, Ibid., 242 : « Il se trouve trop peu de juges assez judicieux, intègres et instruits pour oser se persuader que ladite torture ne se décernera pour l’avenir qu’avec la prudence et les règles de direction requises… La prévention les aveugle si souvent qu’ils croient trouver les preuves les plus claires dans ce qui n’en est que l’ombre et l’apparence… Plusieurs, » après avoir fait souffrir au patient les plus cruels tourments, et l’avoir mis à deux doits de la mort, ne peuvent se résoudre à le renvoier absous et innocent, mais, au moïen de la clause manentibus indiciis, le condamnent encore en quelque peine afflictive, ou le renvoient noté d’infamie, et quelquefois estropié, avec ses faits et charges » [Ibid., 242].