Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En somme, l’adhésion espérée par les ministres de Vienne ne se produisit pas ; ce n’était pas néanmoins une raison suffisante d’abandonner une entreprise aussi juste que généreuse, et les réformateurs ne se laissèrent pas décourager par ce premier échec[1]. Fidèles à leur principe de ne pas heurter de front les résistances routinières des corps constitués, ils attendirent la première occasion favorable. Elle ne tarda pas à se présenter.

Le 24 février 1771, l’abolition de la torture fut de nouveau mise à l’ordre du jour du Conseil privé par un billet du Secrétaire d’État et de guerre, Georges-Adam de Starhemberg. Ce haut fonctionnaire faisait observer qu’il résultait du dossier d’une requête en grâce, récemment adressée au gouverneur général, le prince Charles de Lorraine, « qu’un accusé avait essuié les tormens d’une torture pendant près de vingt-quatre heures ». Il priait donc le Conseil de reprendre l’étude de la matière pour arriver à « établir une nouvelle règle, ou au moins à rectifier ce qu’il peut y avoir de mauvais ou de dangereux dans l’usage qui subsiste actuellement[2] ».

Le Conseil chargea un de ses membres, Goswin de Fierlant[3] de lui faire rapport. Ce rapport[4] fut déposé le 13 avril 1771 ; il se composait de deux

  1. « Il y a plusieurs années que je fais examiner par ordre de Votre Altesse [le prince de Kaunitz] s’il y auroit moien d’abolir ou de modifier cette façon cruelle et toujours suspecte de découvrir la vérité, et, dès que les Conseils de justice m’auront mis en état de proposer quelque chose à Son Altesse Royale [le prince Charles de Lorraine], je le ferai avec toute l’accélération possible, et la chose sera portée à la souveraine décision de Sa Majesté. Je suis avec tout le respect possible,
    » Cobenzl.
    » De Bruxelles, le 2 may 1768. »


    [Correspondance du Ministre plénipotentiaire à Bruxelles avec la Chancellerie d’État à Vienne, n° 123, Archives de l’Empire à Vienne].

  2. L’original de ce billet est relié dans le Registre 406bis du Conseil privé, fo 1 ; il a été reproduit dans notre étude sur les mémoires de G. de Fierlant.
  3. Voir la biographie de G. de Fierlant dans l’étude précitée.
  4. -----« Monseigneur,
    ---« J’ai déjà eu l’honneur de faire mention à Votre Altesse d’un mémoire formé pour l’abolition de la torture, ainsi que de la nécessité d’avoir dans ces Païs-ci de bonnes maisons fortes : après avoir rappellé ces objets à plusieurs reprises au Conseil privé, le dernier parceque je voyais qu’on me parlait sans cesse du trop grand nombre de vagabonds et de mandians, et le premier, parceque je trouvois des cas où les tourmens de la torture avoient duré deux fois vingt-quatre heures, ce qui me paroissoit cruel et même