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supprime, ces articles viendront à cesser[1] ». Il est, du reste, d’avis qu’il serait injuste de condamner un accusé à la torture sans preuve suffisante, et « inutile de donner la question à celui qui d’ailleurs seroit pleinement convaincu d’avoir commis le crime[2] ».

En résumé, nos corps de justice sont hostiles aux projets de la cour d’Autriche ; seulement, les uns manifestent cette hostilité d’une manière franche et nette ; les autres y mettent des formes et des réserves.

Il y eut une exception intéressante. Le Conseil de Gueldre, présidé par J. Ramaeckers, sur le rapport du conseiller Luytgens, proposa sans ambages la suppression « d’un moyen de procédure contraire à la justice, » vicieux dans son principe, incertain et trompeur dans ses effets[3] ».

L’ancienneté de l’usage ne prouve rien aux yeux des magistrats gueldrois, et ils rappellent la suppression des ordalies, dont l’existence remontait bien haut, et que personne ne désire cependant voir revivre[4]. Ils ne veulent pas de la torture, même pour les vagabonds[5], car « de sa nature dépendante évidemment du hasard, elle n’est susceptible d’aucune règle qui puisse conduire le juge quel qu’il soit[6] ». Après avoir lu cette profession de foi passablement radicale, nous constatons avec étonnement que le Conseil propose le maintien de la question préparatoire pour les individus accusés du crime de lèse-majesté, de trahison, d’incendie et de vol en bande, et de la question préalable pour tous les condamnés à mort, afin de les forcer à dénoncer leurs complices[7] Le conseiller-mambour de Gueldre ne se ralliait pas, d’ailleurs, à l’avis du Conseil ; il déclarait la torture « mal nécessaire » dont l’usage exige surtout « la candeur d’un juge intègre et la prévoyance » et dextérité d’un juge éclairé[8] ».

  1. Avis du Conseil de Flandre, p. 156.
  2. Ibid., p. 137.
  3. Avis du Conseil de Gueldre, p. 125
  4. Ibid., p. 126
  5. Les vagabonds ne méritent pas les mêmes égards que les habitants ; il s’en faut de beaucoup ; mais il ne faut pas pour cela les faire mourir innocents ». Ibid., p. 126.
  6. Ibid., p. 128.
  7. « Le condamné se trouve privé par sa sentence de ses droits à la société des hommes, et il ne faut pas souffrir qu’il meure en gardant un secret que, pour la sûreté ou la conservation de la société qu’il quitte, il importe de connaître ». Ibid., p. 128.
  8. Original dans le Reg 56 du Conseil de Gueldre, fos 98-101, aux Archives générales du Royaume.