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est pas moins demeuré dans son propre pays[1]. Enfin, pourquoi parler d’humanité ? Rien de moins cruel : « Elle ne consiste que dans l’extension des membres, et jusqu’à dislocation, lorsqu’il s’agit de la question extra-ordinaire[2] ». Et qu’est cette considération, si l’on songe que la torture « sert admirablement à tranquilliser la conscience et le cœur du juge[3] » ? Il vaut même mieux ne pas trop agiter ces questions, car « ce serait réveiller les anciens scrupules et spéculations, si l’on entrait plus avant dans la discussion de cette matière[4] ».

Les Conseils de Malines, de Brabant, de Namur et de Hainaut concluent qu’il n’y a aucune raison d’abolir la torture. Au Conseil de Hainaut, le vote n’a pas été unanime ; la minorité a fait inscrire ses réserves, et déclare qu’il est injuste de tourmenter l’accusé aussi longtemps que la preuve de son crime n’est pas faite ; or, la question est un supplice affreux, et on connaît des exemples de personnes qui ont préféré la mort à la prolongation des tourments[5]. Ces considérations n’ont pas laissé que d’émouvoir la majorité, et elle propose au Gouvernement de ne permettre dorénavant l’usage de la question qu’aux juridictions supérieures ; les sentences des tribunaux subalternes ordonnant la mise d’un accusé à la torture, ne seraient exécutoires qu’après confirmation par arrêt du conseil de justice compétent, et en présence de commissaires délégués par lui[6]. Le Bailliage de Tournai s’en remit « à la sagesse de Sa Majesté », tout en reconnaissant qu’il fallait user de la géhenne avec prudence, ne pas la réitérer, et, de même que le Conseil de Hainaut, il recommanda l’appel de la sentence au magistrat supérieur[7]. Le Conseil de Flandre tâcha de ne pas se compromettre ; il se borna à constater que « les articles 39, 40, 41 et 42 des ordonnances criminelles de Philippe II, traitant de la torture, dépendent de la résolution que le Gouvernement prendra sur cette matière. S’il la

  1. Avis du Conseil de Brabant, p. 112.
  2. Id. du Conseil de Namur, p. 186.
  3. Id. du Conseil de Brabant, p. 112.
  4. Ibid.
  5. Avis du Conseil de Hainaut, pp. 181-185.
  6. Ibid., p. 185.
  7. Avis du Bailliage de Tournai-Tournésis, p. 193.