Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

torture, on seroit obligé de laisser presque toujours les crimes impunis[1] ». Si on l’abolit, ceux que son existence a retenus dans le droit chemin « lâcheront la bride à leurs passions, et donneront tête baissée dans le crime[2] ». En vain les abolitionnistes prétendent-ils qu’il est contraire à l’équité et à la raison de faire souffrir un accusé avant que sa culpabilité soit établie ; ils oublient que la torture n’est pas une peine, mais « un simple (!) moyen d’investigation[3] ». Certes, il faut bien le reconnaître, des erreurs judiciaires ont été commises ; elles sont regrettables sans doute ; toutefois elles ont été rares et se sont produites « praeter judicum opinionem et praeter legislatorum intentionem[4] ». Du reste, s’il fallait abolir les règlements qui donnent lieu à des abus, on serait obligé d’abroger la plupart des lois, et il ne faut pas se dissimuler que les lois nouvelles engendreront à leur tour des abus[5]. Mais, a-t-on dit, il vaut mieux laisser échapper plusieurs coupables que de s’exposer à punir un innocent ; nos magistrats répondent que « c’est là une maxime vulgaire qui renverse l’ordre social[6] ». C’est également une erreur de prétendre que la confession arrachée par les tourments n’est pas sincère, « car cette confession n’est pas bornée à l’aveu, mais elle doit contenir les faits et les circonstances[7] ». Et nos tribunaux insistent sur cet argument qui leur semble capital, sans songer que les instruments maniés par un tortionnaire habile permettent d’extorquer les détails aussi bien que le fait principal ! La grande raison, c’est l’ancienneté de l’institution : « L’usage a montré qu’elle étoit bonne[8] ; elle existe chez des peuples savants et éclairés qui la considèrent comme un moyen efficace[9] ». Augustin Nicolas a eu beau la combattre et alléguer des raisons de grand poids, l’usage n’en

  1. Avis du Grand Conseil de Malines, Procès-verbaux, t. III, p. 106.
  2. Avis du Grand Conseil de Malines, Ibid., t. III, p. 108 ; — du Conseil de Brabant, p. 112 ; — du Conseil de Hainaut, p. 180 ; — du Conseil de Namur, p. 185.
  3. Avis du Grand Conseil de Malines, p. 107 ; — du Conseil de Brabant, p. 112.
  4. Avis du Grand Conseil de Malines, p. 107.
  5. Ibid., p. 108.
  6. Ibid., p. 107.
  7. Ibid., p. 109.
  8. Ibid., p. 109 ; — Avis du Conseil de Hainaut, p. 180.
  9. Avis du Bailliage de Tournai-Tournésis, p. 193.