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dirent à la circulaire du prince Charles ; aussi celui-ci envoya-y-il, le 16 avril 1766, une lettre de rappel : « Nous vous faisons la présente, pour vous ordonner, comme nous vous ordonnons, d’y satisfaire, et de nous rendre ledit avis le plus promptement qu’il sera possible, en vous expliquant, en même temps, s’il conviendroit ou s’il ne conviendroit pas d’abolir la torture et la marque[1] ».

Les avis des Conseils — qui ne mirent pas grand empressement à s’exprimer[2] — sont conservés dans les archives du Conseil privé[3] et ont été publiés par Gachard[4]. En voici la synthèse pour ce qui concerne la torture.

Remarquons d’abord que la plupart des Conseils exposent les raisons que font valoir tant les adversaires que les partisans de l’abolition. Cette impartialité, toutefois, n’est qu’une vaine apparence. Tandis que l’on insiste avec une complaisance visible sur les motifs invoqués pour le maintien des anciens errements, on mentionne de mauvaise grâce, et l’on écourte, quand on ne les mutile pas, les arguments des abolitionnistes. On concède cependant que l’emploi de la torture ne présente pas une sécurité absolue. Mais la concession ne va pas plus loin, car il importe au bien de l’État et des citoyens que les crimes soient connus pour qu’on puisse les punir. Or, les crimes se commettent ordinairement en secret, de manière que « s’il étoit absolument nécessaire de prouver les crimes et les coupables sans le secours de la

  1. Adressée aux Conseils de Brabant, de Flandre, de Luxembourg, de Namur, de Gueldre, et au Bailliage de Tournai-Tournésis. — Au Grand Conseil de Malines et aux Conseils de Luxembourg et de Hainaut, qui avaient répondu à la circulaire du 7 août 1763, il fut demandé « un avis raisonné sur la question de savoir s’il conviendroit ou ne conviendroit pas d’abolir la torture et la marque ». Conseil privé, Reg. 406, fo 9; reproduit dans les Procès-verbaux précités, t. I, p. 325.
  2. La réponse du Grand Conseil de Malines est du 20 juin 1766 ; celle du Conseil de Gueldre, du 30 juin 1766 ; celle du Conseil de Hainaut, du 17 juillet 1766 ; celle du Conseil de Brabant, du 16 mars 1767 ; celle du Bailliage de Tournai-Tournésis, du 3 juin 1768 ; celle du Conseil de Namur, du 30 juin 1768. Le Conseil de Flandre ne répondit pas : « Les questions soulevées », écrivit le Président, « sont si importantes qu’elles doivent être débattues en assemblée générale, et chaque fois qu’un jour a été fixé, l’un ou l’autre conseiller a été malade ou empêché ».
  3. Conseil privé, Reg. 406.
  4. Procès-verbaux de la Commission des lois et ordonnances, t. III, pp. 97-195.