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sacrifiant étant tenu de faire personnellement les frais du sacrifice est par cela même, une représentation[1]. Mais, dans d’autres cas, cette association de la victime et du sacrifiant se réalise par un contact matériel entre le sacrifiant (parfois le prêtre) et la victime. Ce contact est obtenu, dans le rituel sémitique, par l’imposition des mains, ailleurs par des rites équivalents[2]. Par suite de ce rapprochement, la victime, qui déjà représentait les dieux, se trouve représenter aussi le sacrifiant. Ce n’est pas assez de dire qu’elle le représente ; elle se confond avec lui. Les deux personnalités fusionnent. Même l’identification est telle, au moins dans le sacrifice hindou, que dès maintenant, la destinée future de la victime, sa mort prochaine ont une sorte d’effet en retour sur le sacrifiant. De là résulte pour ce dernier une situation ambiguë. Il a besoin de toucher l’animal pour rester uni avec lui ; et pourtant, il a peur de le toucher, car il s’expose ainsi à partager son sort. Le rituel résout la difficulté par un moyen terme. Le sacrifiant ne touche la victime que par l’intermédiaire du prêtre qui ne la touche lui-même que par l’intermédiaire d’un des instruments du sacrifice[3].

    membre de la famille. Porphyre, De Abst., II, p. 27 — Cf. Légende de Çunaḥçepa (S. Lévi, Doctr., p. 135). Les exemples de cette nouvelle représentation sont particulièrement nombreux dans le sacrifice de construction. Voir Sartori, Bauopfer, Zeitschr. f. Ethn., 1898, p. 17.

  1. Voir plus haut, p. 11. Ex. : I Chron. XXI, 28, sqq., histoire de David dans l’aire d’Ornan.
  2. Lév. I, 4 : III, 23 ; IV, 2 ; XVI, 4. — Ex. XXIX, 15, 19 — Cf. Nomb. VIII, 10 ; XXVII, 18, 23. — Cf. Deut. XXIV, 9 — Ps. LXXXIX, 26. — Tylor, Prim. Cult., II, p. 3. — Cf. Rob. Smith, Rel. of Sem., p. 423.
  3. Âp., VII, 15, 10, 11. Le mantra psalmodié, T. S., 3, 1, 4, 3. exprime que « le souffle », la vie du sacrifiant est, comme son désir, liée à la destinée de la bête, 3, 1, 5, 1. L’école du Yajur Veda Blanc ne prescrit pas de mantra (Kât., VI, 5, S) et, de plus, ne fait pas célébrer d’offrandes expiatoires à ce moment, différence notable. Mais le rite de communication, ainsi que sa théorie restent les mêmes. Çat. Br., 3, 8, 1, 10. T. S., 6, 3, 8, 1. « Les brahmanes discutent. « Il faut toucher l’animal, disent les uns ; mais il est conduit à la mort, cet animal  ; s’il le touchait par derrière le yajamâna mourrait subitement. » D’autres disent : « Il est conduit au ciel, cet animal, s’il (le sacrifiant) ne le touchait pas par derrière, il serait séparé du ciel. » C’est pourquoi il faut le toucher