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sans défaut, sans maladie, sans infirmité[1]. Elle devait avoir telle couleur[2], tel âge, tel sexe, suivant les effets que l’on devait produire[3]. Mais pour faire passer à l’acte ses virtualités, pour l’élever au degré requis de religiosité, il fallait la soumettre à tout un ensemble de cérémonies.

Dans certains pays, on la parait[4], on la peignait, on la blanchissait, comme le bos cretatus des sacrifices romains. On lui dorait les cornes[5], on lui mettait une couronne, on la décorait de bandelettes[6]. Ces ornements lui communiquaient un caractère religieux. Parfois même, le costume qu’on lui mettait la rapprochait du dieu qui présidait au sacrifice : tel était l’objet des déguisements employés dans les sacrifices agraires dont nous n’avons plus que des survivances[7]. La demi-consécration qu’on lui conférait ainsi pouvait, d’ailleurs, être obtenue d’une autre façon. Au Mexique[8], à Rhodes[9], on enivrait la victime. Cette ivresse était un signe de possession. L’esprit divin envahissait déjà la victime.

  1. Ceci est une prescription védique, aussi bien que biblique, peut-être générale. Voir, en ce qui concerne le sacrifice animal hindou, Schwab, op. cit., p. xviii ; Zimmer, Altindisches Leben, p. 131 ; Katy. çr. sû., 6, 3, 22 et paddh. à Âp. çr. sû., VII, 12, 1 et comm., T. S., 5, 1, 1. En ce qui concerne les victimes du temple, voir Ex. XII, 5 ; Lév. XXII, 19 sqq. ; Deut. X, 21 ; XVII, 1 ; Malachie, I, 6-14, etc. — Cf. Stengel, op. cit., p. 107.
  2. Ainsi le cheval de l’açvamedha devait être rouge (il portait le nom de Rohita, rouge, et était un symbole du soleil ; voir Henry, Les Hymnes Rohita de l’Atharva-Veda, Paris, 1889). Sur les victimes rouges, voir Fest., p. 45 ; Diod., I, 88 ; Cf. Frazer, Gold. Bough, II, 59. — Sur les vaches noires, pour produire la pluie, voir plus bas, p. 91. — En Grèce (Stengel, op. cit., p. 134, n. 1), les victimes destinées aux dieux célestes étaient généralement claires ; celles qu’on offrait aux dieux chthoniens étaient toujours noires.
  3. Voir plus bas, p. 90.
  4. Paton, Cos, 37, 22. — Stengel, op. cit., p. 89 sqq. — Mannhardt, W. u. F. Kulte, II, p. 108.
  5. Il., Κ, 294 ; Od., Λ, 304. — Cf. Rawlinson, W. A. I, IV, p. 22, 37 sqq. — Cf. plus bas, p. 80.
  6. Paus., X, 32, 9.
  7. Cf. Frazer, Gold. B., II, p. 145, 198, etc.
  8. Chavero, Mexico à través de los Siglos, p. 644.
  9. Porph., D. Abst., II, p. 154.