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continuité extérieure des rites n’est même pas suffisante[1]. Il faut encore une ferme constance dans l’état d’esprit où se trouvent le sacrifiant et le sacrificateur en ce qui concerne les dieux, la victime, le vœu dont on demande l’exécution[2]. Ils doivent avoir dans le résultat automatique du sacrifice une confiance que rien ne démente. En somme, il s’agit d’accomplir un acte religieux dans une pensée religieuse ; il faut que l’attitude interne corresponde à l’attitude externe[3]. On voit comment, dès le principe, le sacrifice a exigé un credo (çraddhâ équivaut à credo, même phonétiquement ) ; comment l’acte a entrainé à sa suite la foi[4].

La victime.

Nous disions tout à l’heure que la construction de l’autel, dans le rite hindou, consiste à décrire sur le sol un cercle magique. En réalité, toutes les opérations que nous venons de passer en revue ont le même objet. Elles aboutissent à tracer comme une série de cercles magiques concentriques, intérieurs à l’espace sacré. Sur le cercle extérieur, se tient le sacrifiant ; puis, viennent successivement le

    (Ç. B., 1, 2, 5, 4) et de ne toucher personne avec le sabre de bois magique, etc.

  1. Les expiations rituelles ont précisément pour but d’isoler les effets des fautes qui sont commises au cours du rite (voir plus haut). Cf. : Serv., ad Aen., IV, 696. Et sciendum si quid cærimoniis non fuerit observatum, piaculum admitti.Arnob., IV, 31. — Cic., d. har. resp., XI, 23. — De même, le frontal du grand-prêtre à Jérusalem expiait toutes les fautes légères commises au cours du rite : Ex. XXVIII, 38. Cf. Talm. J., Yoma, II, 1 (Schwab, V, p. 175).
  2. Ici nous avons un curieux parallèle à établir avec les théories du rituel judaïque. Un agneau consacré au sacrifice pascal ne pouvait être changé (Talm. Pesachim, IX, 6, Mischnâ) ; de même une bête désignée pour un sacrifice doit être sacrifiée, même si la personne meurt pour qui le sacrifice devait être fait (ib., Haggigha, I, 1, Gem. fin, Schwab, VI, p. 261). Pour la même raison on faisait passer devant le grand-prêtre, la veille du Kippour, toutes les bêtes qu’il devait égorger le lendemain, afin qu’il ne fît pas de confusion entre les diverses victimes.
  3. On sait que l’attitude ordinairement recommandée est le silence. Voir plus loin, p. 48. Cf. Marquardt, op. cit., VI, p. 178.
  4. Voir S. Lévi, Doctr., p. 112, sqq.