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choses célestes, par sa partie médiane, sur les choses de l’atmosphère, par sa partie inférieure, sur celles de la terre[1]. Mais en même temps, il représente le sacrifiant ; c’est la taille du sacrifiant, qui détermine ses dimensions[2]. Quand on l’oint, on oint le sacrifiant ; quand on l’affermit, c’est le sacrifiant qu’on affermit[3]. En lui s’opère, d’une manière plus forte que dans le prêtre, cette communication, cette fusion des dieux et du sacrifiant, qui deviendra plus complète encore dans la victime[4].

La mise en scène est maintenant réglée. Les acteurs sont prêts. L’entrée de la victime va commencer la pièce. Mais avant de l’introduire, il nous faut noter un caractère essentiel du sacrifice : c’est la parfaite continuité qu’il est requis d’avoir. À partir du moment où il est commencé[5], il doit se poursuivre jusqu’au bout sans interruption et dans l’ordre rituel. Il faut que toutes les opérations dont il est composé se succèdent sans lacune et soient à leur place. Les forces qui sont en action, si elles ne se dirigent pas exactement dans le sens prescrit, échappent au sacrifiant et au prêtre et se retournent contre eux, terribles[6]. Cette

  1. T. S., 6, 3, 4, 3, 4. — Cf. T. S., 6, 3, 4, 7 ; Ç. B., 3, 7, 1, 2-5.
  2. Il a la taille du sacrifiant quand celui-ci est soit sur un char, soit debout et les bras levés (T. S., 6, 3, 4, 1, Âp. çr. sû., VII, 2, 11, sqq.).
  3. T. S., 6, 3, 4, 4.
  4. Nous supposons que ce qui est vrai de la vedi et du yûpa l’est, en général, des autels, bétyles et pierres levées sur lesquels ou au pied desquels on sacrifie. L’autel est le signe de l’alliance des hommes et des dieux. D’un bout à l’autre du sacrifice le profane s’unit au divin.
  5. De là la prière dite au commencement de tout sacrifice, par le sacrifiant « puissé-je m’égaler à ce rite » Ç. B., 1, 1, 1, 7. De là surtout le métaphore courante dans les textes sanscrits qui compare le sacrifice à une toile que l’on tisse et que l’on tend : R. V., X, 130 ; Bergaigne et Henry, Manuel pour étudier le sanscrit védique, p. 125, n. ; S. Lévi, Doctr., p. 79 ; p. 80, n. 1.
  6. S. Lévi, ib., 23 sqq. Toute faute rituelle est une coupure dans la toile du sacrifice. Par cette coupure, les forces magiques s’échappent et font mourir, où affolent, où ruinent le sacrifiant. — Nous n’avons pas besoin du rappeler les cas fameux racontés par la Bible, d’hérésies rituelles terriblement punies ; les fils d’Héli, la lèpre du roi Osias, etc. — C’est qu’en général, il est dangereux de manier les choses sacrées : par exemple, il faut avoir soin, dans l’Inde védique, que le sacrifiant ne touche pas la vedi