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nier degré de la surexcitation nerveuse, il est apte à sacrifier et les cérémonies commencent.

Cette initiation compliquée, à long terme, requise pour des cérémonies d’une gravité exceptionnelle, n’est, il est vrai, qu’un grossissement. Mais on la retrouve, quoique avec une moindre exagération, dans les rites préparatoires du sacrifice animal ordinaire. Dans ce cas, il n’est plus nécessaire que le sacrifiant soit divinisé ; mais il faut toujours qu’il devienne sacré. C’est pourquoi, alors aussi, il se rase, se baigne, s’abstient de tout rapport sexuel, jeûne, veille, etc.[1]. Et même de ces rites plus simples, les interprétations qu’en donnent les prières qui les accompagnent et les commentaires brahmaniques, disent clairement le sens. Nous lisons dès le commencement du Çatapatha Brâhmaṇa. « (Le sacrifiant) se rince la bouche… Car, avant cela, il est impropre au sacrifice… Car les eaux sont pures. Il devient pur à l’intérieur… Il passe du monde des hommes dans le monde des dieux[2]. »

Ces rites ne sont pas particuliers aux Hindous : le monde sémitique, la Grèce et Rome en fournissent égale-

    c’est maigre qu’il sacrifie. Ce qui de ses membres est absent, il l’a sacrifié. » Le sacrifiant a, par le jeûne, dépouillé autant que possible son corps mortel, pour revêtir une forme immortelle. — On voit comment les pratiques ascétiques ont pris place dans le système du sacrifice Hindou (voy. S. Lévi, ib., p. 83, n. 1. Cf. p. 54). Développées dès ce moment, elles ont pu devenir, dans le Brahmanisme classique, dans le jaïnisme, dans le bouddhisme, le tout du sacrifice. L’individu qui sacrifie se sacrifie. Par exemple, le jeûne bouddhique upoṣaḍha correspond exactement au jeûne upavasatha de la nuit upavasatha du sacrifice ordinaire, lequel correspond au jeûne du dîkṣita (voy. Çat. Br., 1, 1, 1, 7, Le rapprochement est de M. Eggeling ad loc. ; S. B. E, XII, cf. ib., 2, 1, 4, 2, etc., sur le jeûne de la dîkza, ib., 3, 2, 2, 10, 19). Dès le Çat. Br. les vertus de l’ascétisme sont considérées comme aussi grandes que celles du sacrifice (ib., 9, 5, 1, 1-7, etc.). — Nous n’avons pas besoin de faire remarquer l’analogie qu’il y a ici avec les pratiques sémitiques, grecques et chrétiennes. Le jeûne sacrificiel du Kippour est devenu le modèle des autres jeûnes judaïques. Ces actions préparatoires sont devenues, souvent, le type du sacrifice de soi. — L’ascétisme préalable du sacrifice est, dans bien des cas, devenu le sacrifice entier.

  1. Hillebr., Neu- und Vollmondsopfer, p. 3, 4. Cf. Çat. Br., 1, 1, 1, 7 sqq. et passages cités, note préc. Cf. Schwab, Thieropfer, p. xxii, 39.
  2. Çat. Br., 1, 1, 1, 1 sqq.