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expliqué. Tous les personnages sont très nettement présentés, au moment de leur introduction et de leur sortie aussi bien que dans le cours de l’action. De plus, c’est un rite pour ainsi dire amorphe ; il n’est pas orienté dans un sens déterminé ; il peut servir aux fins les plus diverses. Il n’en est pas qui se prête mieux à la recherche que nous voulons entreprendre. C’est pourquoi nous en ferons le fonds de notre étude, sauf à grouper autour de cette analyse d’autres faits, empruntés soit à l’Inde elle-même soit à d’autres religions.

Le sacrifice est un acte religieux qui ne peut s’accomplir que dans un milieu religieux et par l’intermédiaire d’agents essentiellement religieux. Or, en général, avant la cérémonie, ni le sacrifiant, ni le sacrificateur, ni le lieu, ni les instruments, ni la victime, n’ont ce caractère au degré qui convient. La première phase du sacrifice a pour objet de le leur donner. Ils sont profanes ; il faut qu’ils changent d’état. Pour cela, des rites sont nécessaires, qui les introduisent dans le monde sacré et les y engagent plus ou moins profondément, suivant l’importance du rôle qu’ils auront ensuite à jouer. C’est ce qui constitue, suivant l’expression même des textes sanscrits[1], l’entrée dans le sacrifice.

1o Le sacrifiant. — Pour étudier la manière dont ce changement d’état se produit chez le sacrifiant, prenons tout de suite un cas extrême, presque anormal, qui n’appartient pas au rituel du sacrifice animal ordinaire, mais où les rites communs sont comme grossis et, pour cette raison, plus

  1. Le principe de l’entrée dans le sacrifice est constant dans le rituel. Il est remarquablement exprimé dans le sacrifice du soma où nous avons la prâyaṇtyeṣṭi, le sacrifice d’entrée, répondant exactement à l’udayanîyeṣṭi, sacrifice de sortie. Çat. Br., 3, 2, 3, 1 ; 4, 5, 1, 1. — Cf. Ait. Br., 4, 5, 1 et 2. Cf. Taitt. S., 6, 1, 5, 3, 4. — Généralement de simples rites, de consécration directe, suffisent à préparer les sacrifices. Mais nous voyons qu’il y a des cas où le sacrifice principal est précédé de sacrifices préliminaires. Ainsi les praecidaneæ romaines (Gell., 4, 6, 7). Les προθύματα ne sont pas du même genre (Eur., Iph. A., 1310-1348. Cf. Paton, Cos, 38, 17), mais d’autres sacrifices y correspondaient : Paton, Cos, 38, 12.