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que le soma n’est apte au sacrifice qu’au printemps, ce ne peut être qu’une fête périodique (rite, cérémonie)[1], et pourtant on sacrifie le soma pour une multitude de fins qui tantôt dépendent et tantôt sont indépendantes des vœux et des occasions : à chaque printemps, lors de la consécration du roi, pour atteindre un plus haut rang social, pour devenir invulnérable et victorieux, pour échapper à des malheurs qui pourraient devenir chroniques. Enfin des rites de sens contraire peuvent avoir la même forme : des raisons internes au rituel ont dû être cause que la vache stérile, sacrifiée à Rudra, dieu mauvais, par les brahmanes, l’est de la même manière que le bouc offert aux dieux célestes et bons, Agni et Soma[2].

Le rituel hébreu fournit des exemples non moins frappants de la complexité des rites et de l’identité de leurs éléments. Le Lévitique réduit tous les sacrifices à quatre formes fondamentales : ‘olâ, ḫaṭṭât, shelamim, minḫâ[3]. Les noms de deux d’entre elles sont significatifs. Le ḫaṭṭât était le sacrifice qui servait particulièrement à expier le péché nommé ḫaṭṭât ou ḫaṭaâ, dont le Lévitique nous donne

    désigne à la fois la plante victime, le dieu que dégage le sacrifice, et le dieu sacrifié. Cette réserve faite, nous optons.

  1. Le soma en effet ne peut être sacrifié qu’au moment où il est en fleurs, au printemps (voy. Açvalâyanasomaprayoga, in Mss. Wilson 458, Bodley. Oxf. fo 137).
  2. Il y a en effet la plus grande analogie possible entre le rituel du sacrifice de l’animal à Agni-Soma (Ap. çr. sû., VII) et le rituel atharvanique de l’étouffement de la vaçâ (vache stérile) (Kauçika sûtra, 44 et 45). De même dans le rituel domestique les divers sacrifices animaux, y compris celui du taureau expiatoire (voy. plus loin, p. 76), sont tellement analogues que les uns ou les autres ont pu, suivant les écoles, servir de thème fondamental à la description (voir Hillebr. Rit. Litte., § 44).
  3. Deutéronome, XII, 6, 11, 27 ; Lév., XVII, 8 ; Juges, XX, 26, II Samuel, VI, 17, etc., ne mentionnent que l’‘olâ et le zebaḫ ou le shelamim. La question de savoir si ces passages se rapportent à des rituels antérieurs ou à des rituels parallèles, n’importe pas à l’objet spécial de votre travail — Pour la théorie suivant laquelle les sacrifices expiatoires n’ont été introduits que tardivement dans le rituel hébraïque, nous renvoyons simplement au résumé de Benzinger, Hebräische Archaeologie, p. 441 et p. 447 sqq. Le passage I Sam., III, 14 est trop vague pour que l’on en puisse rien conclure contre l’existence du ḫaṭṭât. En tout cas il est impossible d’admettre que les sacrifices expiatoires soient des transformations de l’amende pécuniaire.