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nombre de ces cérémonies serait-elle nécessaire ; or c’est précisément ce qui manque.

Mais, acceptons un instant cette première hypothèse, quelque contestable qu’elle soit. La marche même de la démonstration est sujette à critique. Le point délicat de la doctrine est la succession historique et la dérivation logique que Smith prétend établir entre le sacrifice communiel et les autres types de sacrifice. Or, rien n’est plus douteux. Tout essai de chronologie comparée des sacrifices arabes, hébreux ou autres, qu’il étudiait, est fatalement ruineux. Les formes qui paraissent les plus simples ne sont connues que par des textes récents. Encore leur simplicité peut-elle résulter de l’insuffisance des documents. En tout cas, elle n’implique aucune priorité. Si l’on s’en tient aux données de l’histoire et de l’ethnographie, on trouve partout le piaculum à côté de la communion. D’ailleurs, ce terme vague de piaculum permet à Smith de décrire, sous la même rubrique et dans les mêmes termes, des purifications, des propitiations, des expiations, et c’est cette confusion qui l’empêche d’analyser le sacrifice expiatoire. Assurément, ces sacrifices sont généralement suivis d’une réconciliation avec le dieu ; un repas sacrificiel, une aspersion de sang, une onction rétablissent l’alliance. Seulement, pour Smith, c’est dans ces rites communiels eux-mêmes que réside la vertu purificatrice de ces sortes de sacrifices ; l’idée d’expiation est donc absorbée dans l’idée de communion ; sans doute, il constate, dans quelques formes extrêmes ou simplifiées, quelque chose qu’il n’ose pas rattacher à la communion, une sorte d’exorcisme, l’expulsion d’un caractère mauvais. Mais, suivant lui, ce sont des procédés magiques, qui n’ont rien de sacrificiel, et il explique avec beaucoup d’érudition et d’ingéniosité leur introduction tardive dans le mécanisme du sacrifice. C’est précisément cela que nous ne pouvons accorder. L’un des objets de ce travail est de montrer que l’élimination d’un caractère sacré, pur ou impur, est un rouage primitif du sacri-