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ceux du mana, nous avons dit que le mana est une catégorie[1]. Mais le mana n’est pas seulement une catégorie spéciale à la pensée primitive, et aujourd’hui en voie de réduction, c’est encore la forme première qu’ont revêtue, d’autres catégories qui fonctionnent toujours dans nos esprits : celles de substance et de cause. Ce que nous en savons permet donc de concevoir comment se présentent les catégories dans l’esprit des primitifs.

Une autre catégorie, celle de genre, avait été soumise à l’analyse sociologique par l’un de nous, avec M. Durkheim, dans un travail sur les Classifications primitives[2]. L’étude de la classification des notions chez quelques sociétés, montrait que le genre a pour modèle la famille humaine. C’est à la façon dont les hommes se rangent dans leurs sociétés qu’ils ordonnent et classent les choses en espèces et genres plus ou moins généraux. Les classes dans lesquelles se répartissent les images et les concepts sont les mêmes que les classes sociales. C’est un exemple topique de la façon dont la vie en société a servi à la formation de la pensée rationnelle en lui fournissant des cadres tout faits, qui sont ses clans, phratries, tribus, camps, temples, régions, etc.

Pour qui s’occupe de la magie et de la religion, celles des catégories qui s’imposent le plus à l’attention, sont celles de temps et d’espace. Les rites s’accomplissent dans l’espace et dans le temps suivant des règles : droite et gauche, nord et sud, avant et après, faste et néfaste, etc., sont des considérations essentielles dans les actes de la religion et de la magie. Elles ne sont pas moins essentielles

  1. M. R. Meyer qui s’est moqué de nos expressions, Mythologische Fragen, Archiv für Religionswissenschaft, 1907, p. 423, aurait bien dû nous dire si les catégories existent autrement que la notion de mana.
  2. É. Durkheirm et M. Mauss, Essai sur quelques formes primitives de classification, Année sociologique, t. VI, p. 1-78. Cf. Année sociologique, t. X. p. 306 sqq.