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de comprendre des institutions, c’est-à-dire des règles publiques d’action et de pensée. Dans le sacrifice, le caractère public de l’institution, collectif de l’acte et des représentations est bien clair. La magie dont les actes sont aussi peu publics que possible, nous fournit une occasion de pousser plus loin notre analyse sociologique. Il importait avant tout de savoir dans quelle mesure et comment ces faits étaient sociaux. Autrement dit : quelle est l’attitude de l’individu dans le phénomène social ? Quelle est la part de la société dans la conscience de l’individu ? Lorsque des individus se rassemblent, lorsqu’ils conforment leurs gestes à un rituel, leurs idées à un dogme, sont-ils mus par des mobiles purement individuels ou par des mobiles dont la présence dans leur conscience ne s’explique que par la présence de la société ? Puisque la société se compose d’individus organiquement rassemblés, nous avions à chercher ce qu’ils apportent d’eux-mêmes et ce qu’ils reçoivent d’elle et comment ils le reçoivent. Nous croyons avoir dégagé ce processus et montré comment, dans la magie, l’individu ne pense, n’agit que dirigé par la tradition, ou poussé par une suggestion collective, ou tout au moins par une suggestion qu’il se donne lui-même sous la pression de la collectivité.

Notre théorie se trouvant ainsi vérifiée, même pour le cas difficile de la magie, où les actes de l’individu sont aussi laïcs et personnels que possible, nous sommes bien sûrs de nos principes en ce qui concerne le sacrifice, la prière, les mythes. On ne doit donc pas nous opposer à nous-mêmes si, parfois, nous parlons de magiciens en renom qui mettent des pratiques en vogue, ou de fortes personnalités religieuses qui fondent des sectes et des religions. Car, d’abord, c’est toujours la société qui parle par leur bouche et, s’ils ont quelque intérêt historique, c’est parce qu’ils agissent sur des sociétés.