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Nous sommes bien loin de le prétendre, et nous n’avons aucun intérêt à spéculer là-dessus. En tout cas, si l’on considère non plus ce qu’il y a de plus simple et de plus abstrait dans notre notion de temps, mais la complexité réelle de celles de nos représentations où elle est impliquée telle qu’elle résulte du passé et de la tradition, il est incontestable que les formes spéciales de cette notion qui viennent d’être étudiées ont largement contribué à l’élaboration des autres.

D’ailleurs, notre représentation réelle du temps, qui, comme nous le disions, suppose une sorte de tableau fixe dont les points semblent avoir la propriété de monter, les uns après les autres dans le présent de notre conscience, se détache mal ou, du moins, ne se détache que par une abstraction, toujours imparfaite, de notre système de mesure du temps et tout spécialement du calendrier. Or, en fait, la véritable fonction originelle des calendriers est religieuse ou magico-religieuse. Ils servaient essentiellement à prévoir le retour des faits, dont on croyait qu’ils entraînent nécessairement avec eux la célébration de tels rites ou la production de tel phénomène auquel la religion devait avoir égard. S’il est difficile de prouver qu’ils ont été réellement institués pour assurer l’observation régulière des concomitances fatales d’images et de rites, on peut observer toutefois que les rectifications auxquelles ils ont donné lieu, même assez récemment, ont eu pour objet de retrouver la régularité de ces concomitances, ce qui constitue au moins une forte présomption en ce qui concerne la nature de leur institution première. Le but des réformes julienne et grégorienne du calendrier a été essentiellement religieux. C’est également pour des raisons religieuses, que ces réformes ne sont pas acceptées sans opposition et qu’il subsiste toujours quelque chose des calendriers abolis. L’autorité de la convention qui crée le calendrier lui donne une réalité égale à celle des phénomènes sur lesquels on prétend le régler. Bref, le calendrier est l’ordre de la pério-