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cette qualité de sacré qui s’attache au temps avec les diverses modifications dont elle est susceptible. En résumé, le tableau qualitatif du temps est formé par un grand nombre de conventions qui établissent entre les phénomènes qui s’y passent et le temps lui-même, par abstraction, des relations de cause à effet, lesquelles, en dernière analyse, sont des relations d’identité.

VII

Mais, en retrouvant la notion de sacré à la racine des représentations qualitatives enregistrées par ce tableau, nous sommes arrivés à une forte présomption que les conditions émotionnelles et logiques, dans lesquelles a pu se développer, en magie et en religion, la notion de temps, sont fort différentes de celles où elle semble devoir apparaître normalement chez des individus. À supposer qu’elle ait surgi toute formée dans chaque homme en particulier, ces conditions sont telles, qu’elle doit en avoir subi des modifications remarquables. Il faut tenir compte, en effet, de ces états d’agitation collective où nous supposions naguère que s’était formée la notion du sacré. Les modifications profondes, que nos propres émotions apportent à notre conscience de la durée, nous aident à nous figurer comment les émotions multipliées d’une société ont pu affecter celle de tous ses membres de la même façon, mais avec plus d’intensité et pour plus longtemps. Ces émotions primitives, exceptionnelles et momentanées, ont laissé derrière elles un résidu de croyance, qui renouvelle ou entretient certains de leurs effets, quand la cause en est atténuée. Elles se perpétuent et continuent à conditionner la pensée par la force logique des catégories et des concepts.

À ces divers titres, la notion de sacré entre comme un élément perturbateur dans les jugements où il s’agit de temps. Par là même qu’elle introduit parmi leurs termes