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l’histoire, mais il en est très peu qui n’aient pas d’autres raisons d’être. En règle générale, ce ne sont pas les faits qui fixent les dates. Celles-ci sont les temps marqués d’un rythme, qui coupe en durées finies la durée vague. Un rythme, de même nature, détermine la répétition à l’infini des dates établies, quelles qu’elles soient. La représentation du temps est essentiellement rythmique.

Mais n’a-t-on pas déjà montré que, dans le travail, dans la poésie et le chant, le rythme était le signe de l’activité collective, d’autant plus fortement marqué que la collaboration sociale était plus étendue et plus intense[1] ? Si cela est vrai, il nous est permis de supposer que le rythme du temps n’a pas nécessairement pour modèles les périodicités naturelles constatées par l’expérience, mais que les sociétés avaient en elles-mêmes le besoin et le moyen de l’instituer.

VI

Si le choix qui détermine les jours qualifiés est arbitraire, leur qualification particulière ne l’est pas moins. Leurs qualités, définies comme elles le sont, par l’association sympathique des dates et de leurs effets, positifs ou négatifs, sont conventionnelles au même titre que toutes les autres espèces d’associations sympathiques[2]. Entre la multitude des associations possibles, c’est l’arbitraire qui décide, et cet arbitraire n’est pas celui d’un individu qui choisit pour lui-même, mais de sociétés entières.

Il y a plus. S’il s’agit bien ici d’associations sympathiques entre des faits considérés comme nécessairement concomitants, il doit entrer dans ces associations autre chose

  1. K. Bücher, Arbeit und Rythmus ; Fr. B. Gummere, The beginnings of poetry : cf. M. Mauss, dans Année sociologique, t. VI, p. 560 (compte-rendu du précédent ouvrage).
  2. H. Hubert et M. Mauss, La Magie, l. l., p. 65 sq.