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même qualité. Enfin, la valeur relative des durées ne dépendra pas seulement de leur grandeur absolue, mais aussi de la nature et de l’intensité de leurs qualités.

Bref, les propositions ci-dessus énumérées cessent d’être contradictoires, dès qu’on cesse de considérer le temps comme un milieu sans qualités. Aussi bien, n’est-ce pas un pur concept, une sorte de lieu géométrique, distingué par abstraction de la masse des durées particulières, mais une sorte de chose, dont la forme a son efficacité comme celle d’un acte magique, existant objectivement, distincte des phénomènes successifs et durables, puisqu’elle les coupe à sa mesure, et dont les divisions ne sont pas simplement idéales, mais réelles et effectives, puisqu’elles interrompent brutalement la matière qu’elles encadrent.

À vrai dire, les qualités dont nous avons parlé sont celles des parties du temps. Il y a lieu de se demander si la notion du temps en général ne comporte pas, elle aussi, de qualités analogues et même si les particularités qui distinguent les parties sont autre chose que les diverses modalités d’une qualité commune du temps. Toutefois il est malaisé d’apercevoir au premier abord quelles peuvent être les qualités de ce temps religieux et magique. Peut-être, n’a-t-il, pris dans son ensemble, qu’une aptitude à recevoir des qualités. Mais il nous suffit, pour le moment, de mettre en lumière la nature qualitative attribuée au temps en général par la constatation des qualités reconnues à ses parties. Celles-ci sont bien apparentes et se font valoir l’une l’autre par leurs contrastes. Les parties du temps ne sont pas indifférentes aux choses qui peuvent s’y passer ; elles les attirent ou elles les excluent. De là, d’une part, une inépuisable série de pronostics fondés sur la seule distinction des dates, de l’autre une série de prescriptions positives ou négatives relatives aux jours[1]. Les plus typiques sont les prescriptions néga-

  1. Cf. Macrobe, Saturn., I, xv : Aptitudes des Calendes, Ides et Nones ; Plutarque, Quaest. Rom., 100, fête de Diane Aventine (les femmes