Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une suite de parties d’inégales grandeurs, emboîtées les unes dans les autres, qui s’équivalent de la même façon, chaque point et chaque période valant respectivement pour le tout. De telle sorte que les actes religieux et magiques peuvent cesser sans être finis, se répéter sans changer, se multiplier dans le temps tout en restant uniques et au-dessus du temps, qui n’est plus, en réalité, qu’une suite d’éternités.

5o Des durées quantitativement inégales sont égalisées et des durées égales inégalisées. — L’expression de durées indéterminées par des nombres précis, 7, 9, 50, etc., est un fait constant et bien connu, dont il est inutile de donner des exemples. Les nombres conventionnels, employés de cette façon, correspondent à la longueur exacte de périodes déterminées par certains systèmes usités ou désuets de division du temps[1] : les semaines de sept et de neuf jours, coupures du mois ou de la lunaison, ont été le type de périodes de sept et de neuf jours, de sept et de neuf ans, dont la longueur est évidemment conventionnelle. Grandeurs fixes et grandeurs vagues sont représentées comme égales. D’autre part, c’est un lieu commun de mythologie et de folklore, — fait qui a sa contre-partie dans notre expérience individuelle —, que les durées, suivant les circonstances, ne s’écoulent pas avec la même rapidité. Celle-ci change au passage du surnaturel à la vie normale des hommes[2]. Un berger qui s’endort pour une heure se réveille au bout de cent ans ; au retour d’une visite chez les fées il ne retrouve plus au village que des générations nouvelles. Inversement, les héros peuvent vivre des années de vie magique en une heure de vie humaine. Le temps ne compte pas plus que l’espace dans leur course à travers le monde. Les parties numériquement correspondantes des kalpas

  1. W. H. Roscher, o. l., passim.
  2. Mannhardt, Germanische Mythen, p. 440 (7 jours = 7 ans) ; Sébillot, Le Folklore de France, t. I, p. 257, 465.