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reté, il y a du respect, de l’amour, de la répulsion, de la crainte, des sentiments divers et forts, évocateurs, de nature à se traduire en gestes et en pensée. Cette notion est plus complexe, plus riche, plus générale et plus pratique, qu’elle n’avait paru d’abord. Elle est bien sans doute l’idée-force autour de laquelle ont pu s’agencer les rites et les mythes. Elle se présentait dès lors à nos yeux comme étant le phénomène central parmi tous les phénomènes religieux[1]. Nous nous sommes proposé pour tâche de la comprendre et de vérifier ce que nous avions dit sur l’identité du sacré et du social. Nous avons pensé que le but ultime de nos recherches associées, devait être l’étude de la notion de sacré. C’était même pour nous le gain le plus sûr de notre travail sur le sacrifice.

II

LA MAGIE

Mais il existe un groupe considérable de phénomènes religieux où le double caractère sacré et social des rites et des croyances, n’apparaît pas au premier abord. C’est la magie. Pour généraliser les résultats de notre travail sur le sacrifice, et aussi pour les vérifier, il fallait s’assurer qu’elle ne constitue pas une exception. Or, la magie nous présente un ensemble de rites aussi efficaces que le sacrifice. Mais il leur manque l’adhésion formelle de la société. Ils se pratiquent en dehors d’elle et elle s’en écarte. De plus, sacrilèges, impies, ou simplement laïcs et techniques, ils n’ont pas au premier abord le caractère sacré du sacrifice. Dans la magie il y a aussi des représentations, depuis celles des dieux et des esprits jusqu’à celle des propriétés et des causes, qui sont investies d’une certitude égale

  1. H. Hubert, Introduction à la traduction française du Manuel d’Histoire des Religions, de Chantepie de la Saussaye, 1904, p. xlv.