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1o  Les dates critiques interrompent la continuité du temps. C’est ce qu’on peut prouver en montrant qu’elles brisent les durées particulières. Une société, qui divise le temps en périodes, dont la longueur est exprimée par un nombre, sept ou neuf par exemple, ce jours, de mois, d’années[1], impose les mêmes coupures rythmiques à des durées, qui n’ont pas d’autre raison d’être ainsi limitées et coupées que la loi ci-dessus énoncée.

Si les durées en question ne se terminaient pas effectivement à la date critique, leur interruption réelle était quelquefois formellement exprimée par des rites. À Sparte, les rois étaient, de neuf ans en neuf ans, soumis à une ordalie : les éphores s’assemblaient par une nuit de nouvelle lune, considérant le ciel ; si une étoile filante le traversait, le roi, suspect de faute religieuse, était provisoirement déposé, jusqu’à ce que l’oracle de Delphes se fût prononcé sur son cas[2]. Ce rythme novénaire, auquel était assujetti de la sorte le pouvoir des rois de Sparte, paraît avoir été généralement usité dans la sphère d’extension de la civilisation crétoise. Or la tradition veut que Minos également ait été astreint à se rendre tous les neuf ans à la grotte de l’Ida, pour y renouveler sa délégation royale[3].

Ce n’est qu’un exemple entre l’infinité des exemples possibles, car le phénomène est général. À l’expiration des magistratures en fin d’année, il faut joindre l’extinction annuelle ou cyclique des feux, le renouvellement de la vaisselle ou des vêtements, la consommation complète ou la destruction des provisions et passer de là à la série des représentations. L’exemple choisi l’a été à dessein, parce

  1. W. H. Roscher, Die enneadischen und hebdomadischen Fristen und Wochen der ältesten Griechen, Abh. d. ph. h. Kl. d. kgl. sächs. Gesellschaft der Wissenschaften, t. XXI ; J. H. Graf, Über Zahlenaberglauben, p. 16 sq.
  2. Plutarque, Agis, 11.
  3. Roscher, o. l. p. 22. Cf. O. Müller, Die Dorier, p. 100. — Autres exemples de la même périodicité imposée aux magistratures : A. B. Cook, The European Sky-God, Folk-Lore, 1904, p. 394, sq.