Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

limites, théoriques ou pratiques. L’idée de ce temps-milieu entre comme un élément distinct dans les spéculations de la magie et de la religion.

Le temps est d’ordinaire représenté comme un système de dates et de durées successives, système qui se reproduit périodiquement et dont les différentes grandeurs sont supposées égales par séries et symétriques de période à période. La notation des points et des intervalles, compris dans une période limitée et répétable, constitue le calendrier.

Le calendrier est-il, pour la religion et la magie, un système de mesure du temps ? Les actes religieux ou magiques y sont-ils répartis à la façon dont paraissent l’être les actes de notre vie civile ? La religion et la magie ont-elles trouvé dans un système élaboré à d’autres fins des points de repère commodes pour l’accomplissement des actes qui doivent être répétés ? Je ne le crois pas. En effet, il existe des systèmes calendaires, qui ont été divisés spécialement pour régler la périodicité des actes religieux ou magiques et sont, ou ont été employés, parallèlement aux calendriers usuels, pour cette fin spéciale ; tel est le tonalamatl de 260 jours qui, chez les Aztèques courait parallèle à l’année solaire ; tel est encore le calendrier de semaines qui sert à établir chez nous la date de Pâques, calendrier qui lui-même est devenu le modèle du calendrier civil en Islande[1]. L’existence de ces systèmes atteste la nécessité d’un rythme spécifique, qui préside à l’éparpillement dans le temps des actes religieux. Pour la religion et la magie, le calendrier n’a pas pour objet de mesurer, mais de rythmer le temps.

Ainsi, d’une part, les rites sont nécessairement répartis dans un temps divisé par des points fixes, régulièrement espacés ; d’autre part, les représentations religieuses, outre qu’elles assignent des limites aux éternités divines et

  1. G. Bilfinger, Untersuchungen über die Zeitrechnung der alten Germanen, I. Das altnordische Jahr, p. 1 sq.