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un fait mythique, repoussé à l’origine des temps, elles commémorent un fait historique. D’ailleurs, le mythe rajeuni est toujours le point de départ de la célébration périodique du rite ; car, ou bien le souvenir des périodes antérieures est aboli, ou bien l’on imagine une consécration nouvelle et plus efficace de la date choisie. — En dehors de l’histoire des fêtes, les exemples du même phénomène sont également abondants. Dans le pays de Galles la figure à demi historique d’Arthur s’est substituée à celle de quelque dieu endormi dans les cavernes des montagnes[1] et, de même, Frédéric Barberousse a remplacé, dans un thème semblable, des personnages mythiques[2].

Ainsi, les mythes se rajeunissent dans l’histoire. Ils y puisent des éléments de réalité, qui consolident la croyance dont ils sont l’objet en tant que mythes. Mais ce n’est pas parce que la vérité mythique se distingue mal pour les croyants de la vérité historique que les mythes s’évhémérisent ; c’est parce qu’ils demandent à être situés dans le temps avec une précision qui doit croître avec la précision croissante de la représentation des choses dans le temps. Le rajeunissement des mythes n’est pas un phénomène différent du phénomène général de leur localisation dans le passé, mais une forme particulière du même phénomène.

Mais ce n’est pas tout. Les faits, magiques ou religieux, qu’ils soient des rites ou des images, ne sont pas simplement conçus comme se passant avant, après ou pendant d’autres faits. Ils sont situés dans un temps milieu, relativement abstrait et détaché des choses qui durent. À vrai dire, l’image de celles-ci se mêle encore à sa notion. Représentation semi-concrète, elle conserve le souvenir des durées réelles. Le rythme du temps idéal est peut-être indiqué, à l’origine, par certaines de ces durées. Mais il ne laisse pas de les dominer, il leur impose à toutes des

  1. J. Rhys, Celtic Folklore, ch. viii (Welsh cave legends), p. 473 sq.
  2. E. H. Meyer, Mythologie der Germanen, p. 386.