Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en raison de leurs circonstances de temps, sinon dans leur structure essentielle, du moins dans leurs particularités accessoires, dans les préparations et l’attitude qu’ils exigent.

Les événements des mythes, il est vrai, se passent, semble-t-il, hors du temps ou, ce qui revient au même, dans l’étendue totale du temps, puisque, comme le montre en particulier leur répétition dans les fêtes, ils réussissent à être également contemporains de dates espacées dans le temps normal. Cependant toutes les mythologies ont fait effort pour situer cette éternité dans la série chronologique. On l’a placée, en général, au commencement des temps, quelquefois à la fin. C’est pour cette raison que les mythes, quels qu’ils soient, sont des mythes d’origine ou des mythes eschatologiques. Ils rendent compte de l’origine ou de la fin des choses, non pas que telle soit essentiellement leur fonction de mythes, mais parce qu’ils sont dans le temps. D’ailleurs, ils sont indifféremment fixés à l’une ou à l’autre place et ne se différencient en cela que secondairement ; en effet, on a remarqué très justement que les mythes de l’origine et de la fin du monde comportaient des éléments communs[1]. Une suite de ce phénomène est que, partout, les mythes tendent à se systématiser sous forme de traditions relatives à l’origine des sociétés qui les produisent ; le corps des mythes constitue une préhistoire de l’humanité, de la tribu ou de la nation ; les dieux sont la souche des familles humaines. La synthèse des divers courants de représentations religieuses se réalise sous cette forme, non pas parce que les mythes en général sont issus de la divinisation des ancêtres, mais parce qu’ils sont pensés sous l’espèce du temps. C’est pour la même raison que les fêtes sont généralement données comme la commémoration des mythes qui leur sont attachés. Elles reproduisent

  1. H. Gunkel, Zum religionsgeschichtlichen Verständniss des Neuen Testaments, p. 32.