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tant la nouvelle vie est devenue la véritable vie du magicien. MM. Spencer et Gillen ont vu d’ailleurs eux-mêmes un magicien, de la classe matrimoniale des Tjunguri, qui, pour avoir consommé d’une de ces choses défendues, fut atteint d’une maladie qui devint mortelle[1] ; cependant il n’était pas très jeune ; et les tabous n’étaient plus graves. Jusqu’à la vieillesse, outre les défenses de manger de la graisse, d’approcher du nid des grandes fourmis, il est interdit aux magiciens de manger de l’ours [natif], du serpent noir, du serpent tapis, du serpent blanc, du kangourou, de l’ourson, du dindon, du chien sauvage, du chat indigène, de grands lézards, certaines graines de gazon, et ils ne doivent boire d’eau que modérément. Toute leur vie, jusqu’à ce qu’ils aient des cheveux gris et les droits afférents à l’âge, ils doivent de la nourriture aux vieux maîtres de la corporation[2].

Il est très remarquable que M. Howitt, dans les plus anciens des renseignements qu’il nous a donnés sur les Kurnai, mentionne précisément la perte du pouvoir médical, à la suite des morsures de fourmis taureaux[3]. Le magicien Kurnai, dont nous avons raconté l’initiation, a eu pareille aventure[4]. Ce sont les boissons alcooliques, et un rêve où il voyait sa femme jeter sur lui du sang menstruel, qui ont fait que son Kîn (substance magique) a quitté son sac-médecine, et qu’il a perdu son pouvoir. Ni l’un ni l’autre ne sont revenus[5]. À propos des tribus de la Yarra, dès avant 1878, M. Howitt mentionnait que leurs magiciens ont d’autres goûts (une autre alimentation), mangent autre chose et à d’autres heures ; qu’ils dorment pendant que les autres veillent et inversement : qu’ils font tout

  1. N. T. C., p. 485, cf. p. 363 (?).
  2. N. T. C., p. 485.
  3. Brough Smyth, Abor. Vict., I, p. 474.
  4. A. M. M., p. 52.
  5. Tankli, le magicien Wiraijuri perd ses pouvoirs à la suite d’une maladie, A. M. M., p. 51. Mrs Langloh Parker nous cite aussi un fait du même genre, More Australian Legendary Tales, p. xii.