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prescriptions, l’Oruncha causerait le départ de son pouvoir magique et le ferait retourner au vieux Nung-gara (magicien initiateur), et ses facultés magiques disparaîtraient pour toujours. » De même façon, une année entière d’épreuves, d’entraînement, est infligée au jeune initié par les esprits.

Ensuite ces pouvoirs, une fois consolidés, prouvés et attestés, n’en restent pas moins fugitifs. Ces qualités délicates et subtiles, ces pierres magiques animées d’une vie mystérieuse, ces relations intimes avec des esprits ombrageux ne peuvent être conservées que par une obéissance stricte à de nombreux tabous. Ainsi chez les Arunta, sous peine de perdre toute amitié de l’Iruntarinia, de voir fuir ses pierres atnongara, et d’être ainsi destitué de toute vertu magique, le magicien doit, par exemple, « ne manger ni graisse ni mets chaud ; ne pas respirer la fumée d’os qui brûlent, ni approcher du nid des grandes fourmis taureaux ; » car s’il était mordu par une de ces fourmis, il perdrait définitivement son pouvoir pour toujours. « Les aboiements des chiens du camp peuvent quelquefois aussi faire fuir les pierres atnongara[1]. » Elles retournent à l’esprit qui les a données, que l’amitié de cet esprit vienne d’une révélation directe ou de la révélation indirecte d’un autre magicien. Les mêmes interdictions se trouvent chez les Kaitish et les Unmatjera. MM. Spencer et Gillen nous citent le fait remarquable d’un magicien qui sent ses forces magiques s’évanouir, et disparaître ses pierres atnongara au moment même où il a avalé, par distraction, une tasse de thé chaud[2]. Chez les Warramunga, les tabous sont encore plus développés. Les licences qui sont permises ne font que les compenser[3]. Non seulement leur violation entraîne la perte du pouvoir magique, mais elle met en danger la vie,

  1. Spencer et Gillen, N. T., p. 525.
  2. N. T. C., p. 481.
  3. N. T. C., p. 480.