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de ses formes. Elle doit être de toute nécessité complétée par une histoire, une phylogénèse des sacrifices.

Mais nous pouvons dès à présent signaler l’un des bénéfices que nous avons trouvé. La place du sacrifice dans l’ensemble des rites nous est apparue. Son mécanisme compliqué n’est pas celui d’un rite primaire. Il n’a pu se produire qu’assez tard dans l’évolution religieuse après et sur d’autres systèmes plus anciens. D’une part, son institution suppose, dans les religions où il s’est établi, la pratique du don rituel comme l’avait bien vu M. Tylor, et surtout, le système entier des rites consécratoires, lustrations, purifications, etc. D’autre part il fallait que les choses sacrées se fussent définitivement séparées des profanes et fussent représentées déjà sous la forme d’esprits divins presque purs, plus ou moins personnels.

C’est d’ailleurs pour cette raison que le sacrifice pleinement constitué ne nous paraît pas compatible avec tous les degrés du totémisme : chez un peuple à religion totémique, ce qui est sacré pour un clan ne l’est pas pour les autres ; et le clan, dans le sacré, n’a nul besoin de l’intermédiaire sacrificiel qu’est la victime, pour communiquer avec un totem identique à lui-même ; il se consacre par rapport à celui-ci, directement, par les voies immédiates de l’effusion du sang et de la communion alimentaire. Ce sont, comme le voulait Robertson Smith, des facteurs indispensables du sacrifice, mais ce ne sont pas ses raisons nécessaires et suffisantes.

Une autre conclusion de nos recherches, est que le sacrifice est une institution, un phénomène social. Le rite n’est pas une forme, un vêtement des sacrifices personnels, du renoncement moral, autonome et spontané.

Il ne peut y avoir sacrifice sans société. Dans les sacrifices que nous avons décrits, la société est présente d’un bout à l’autre. Il est peu de rites qui soient plus foncièrement publics que le sacrifice. Quand ça n’est pas la société