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Deux choses seules sont certaines. C’est d’abord qu’ils sont représentés comme des personnes avec lesquelles le magicien se met en relations tellement intimes qu’il s’identifie avec elles. C’est ensuite que ces personnalités sont attachées à des lieux ou à des phénomènes naturels, et qu’il faut faire ici une part à une mythologie « naturiste », s’il est possible de parler ainsi.

Il n’y a donc pas à s’étonner que certaines tribus du Queensland Sud Occidental aient eu une notion presque parfaitement naturiste de l’origine des pouvoirs et des connaissances magiques que communiquent les esprits. C’est l’arc-en-ciel, personnifié plus ou moins précisément, qui chez elle, initie le magicien. Le mythe de cette initiation, que les Kabis, aujourd’hui à peu près disparus, possédaient, nous a été décrit à plusieurs reprises[1] par M. Mathew autrefois missionnaire parmi eux. Voici la traduction en français, approximative, de la traduction littérale donnée par M. Mathew du récit fort trouble, fruste mais substantiel qu’on lui fit de ces faits[2]. Nous laissons en place les titres et la division en histoires, qui n’ont, au fond, aucune valeur et n’ont été inventées que par notre auteur.

« L’arc-en-ciel[3]. Arc-en-ciel est méchant. Il a volé un jeune métis, a mis un autre gamin à sa place, mais noir. Il a emporté l’enfant dans un trou (d’eau) de la montagne et l’y a mis. Dans ce trou est l’enfant ; de jour, il sort. —

  1. J. Mathew, in Austr. R., Curr, II, p. 175, sq. ; The Australian Aborigines, in Journ. and Proc. of the R. S. of N. S. W., 1889, t. XXIII, II, p. 419 sqq. ; Eaglehawk and Crow, 1899, p. 444 sqq., p. 191 sqq. Les plus anciennes informations semblent être les plus authentiques, sinon les plus complètes. Les dernières se sont, en effet, compliquées d’hypothèses inutiles sur l’origine polynésienne de ces croyances. Le principal défaut est que certains détails ne sont pas décrits avec de suffisantes précisions. Évidemment, M. Mathew n’a pas poussé très loin son enquête ni gardé un souvenir très précis des résultats.
  2. Curr, Austr. Race, II, p. 192 et suiv.
  3. L’article n’existant pas en australien, il est impossible de dire si c’est d’Arc-en-ciel personne ou de l’arc-en-ciel phénomène qu’il s’agit ; probablement les deux notions ne sont pas distinctes l’une de l’autre.