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le connaît qu’il est homme-médecine. Un temps d’épreuve, d’éducation, compliqué de tabous de toutes sortes, est ensuite nécessaire pour que le nouveau magicien puisse exercer sa profession.

L’initiation par révélation se fait de même dans toute l’étendue de ce que MM. Spencer et Gillen ont raison d’appeler la civilisation Arunta : chez les Ilpirra, Kaitish, et Unmatjera[1].

Une autre grande tribu, voisine au Nord des Arunta, celle des Warramunga a aussi, parmi ses magiciens, des individus initiés par les esprits. Voici, résumé, le récit de l’un d’entre eux. Parti au désert, il est obsédé pendant plusieurs jours par des puntidir, des esprits du genre des Iruntarinia, qu’il croit être des magiciens étrangers parce qu’ils lui jettent un sort tel qu’il ne peut allumer son feu par friction[2] ; ils le poursuivent, et, enfin, dans son sommeil le tuent, lui ouvrent le corps, changent ses organes et introduisent en lui un petit serpent qui incarne les pouvoirs magiques[3]. Puis ils le laissent, ses amis le retrouvent et le croient mort, mais il revient à la vie et l’on reconnaît à tout cela qu’il est un homme-médecine. Ces esprits sont son père et son frère, et ils lui ont révélé plusieurs corroborees. Mais le récit néglige de nous dire s’ils n’ont pas fait faire d’autres voyages à l’esprit du magicien et comment ils lui ont donné les kupitja[4], petits bâtons mystiques portés à travers le nez et où réside le pouvoir magique.

  1. N. T., p. 523, N. T. C., p. 480. Nous donnons plus bas, p. 174, le récit de l’initiation d’Ilpailurkna, qui se présente, après tout, comme une initiation par un autre magicien Unmatjera. Mais la façon dont MM. Spencer et Gillen classent ce fait nous rendent incertain sur le point de savoir si le vieillard dont il est question n’est pas un esprit.
  2. N. T. C., p. 488, 484.
  3. Cf., ibid., p. 485, les magiciens qui portent le nom de « serpents » chez les Warramunga ; cf. la Croyance arunta qui attribue à un petit lézard le pouvoir de succion du magicien, N. T., p. 531.
  4. Sur les Kupitja qui nous semblent en réalité incarner ces serpents magiques eux-mêmes, voir N. T. C., p. 484, n., et p. 485. Ils jouent chez les Warramunga le rôle joué chez les Arunta par les pierres « atnongara ».