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imposées par la tradition ? Dans quelle mesure ses soi-disant expériences sont-elles vraiment l’objet de souvenirs et n’est-ce pas très longtemps après sa révélation qu’il arrive à se convaincre de les avoir éprouvées ? N’est-ce pas à force de méditations et de hâbleries qu’il arrive à devenir, pour lui-même et pour les autres, l’homme de son personnage ? Autant de questions psychologiques qui restent insolubles tant que nous n’avons que des documents de cette valeur. Enfin, au point de vue des mythes et des rites impliqués, quelle n’est pas l’insuffisance de ces informations ! Quels sont ces esprits, âmes des morts, que nous avons des raisons de confondre avec les esprits de la nature et les âmes totémiques ? Que sont ces cristaux de quartz, « symboles de la déité[1] », pourquoi ce pouvoir leur est-il attribué ? Quels rites le magicien observe-t-il pendant et après ces états d’extase ? N’est-il pas aussi soumis à une autre initiation, à une révélation traditionnelle ? Quels sont les rites qui doivent être observés par le nouveau magicien, après initiation, s’il veut conserver ses pouvoirs ? Sans supposer que tous ces divers phénomènes, à propos desquels nous posons toutes ces questions, se rencontrent dans toute initiation magique en Australie, il est rationnel de penser que toujours un certain nombre d’entre eux tout au moins composent le système reconnu par chaque société. Nous ne connaissons pas de fait qui infirme cette hypothèse. Tout au contraire ; dès que nous trouvons des récits vraiment détaillés, nous n’avons plus en face de nous que des espèces, des variantes d’un même type de conte magique. Les incidents varient en nombre et en place dans des limites assez étroites et ne sont que des manières plus ou moins parfaites de représenter par des images et des coutumes diverses une même institution, un même phénomène social complexe. C’est ce dont va nous convaincre l’étude comparative de documents à peu près complets.

  1. Mc Dougall.