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pas dit précisément si c’était l’esprit du mort qui donnait ses vertus au néophyte anthropophage[1].

2o  La révélation par les esprits. — Nous dirions presque la révélation par les dieux, car enfin ces esprits sont bien des personnes mythiques, relativement sacrées et placées hors de l’atteinte du commun des mortels. Mais ces êtres sont sans consistance, sans personnalité forte, confondus avec les choses les plus hétéroclites, « diables » ou bull roarers, âmes des morts, ancêtres totémiques, esprits locaux des sources et des bois, esprits de la nature[2].

D’après les plus simples de nos renseignements, le magicien obtient ses pouvoirs en montant au ciel et dans une rencontre qu’il y fait avec un esprit dépositaire de ces pouvoirs. C’est même dans ces termes brefs que M. Howitt nous a donné ses premiers renseignements[3] et qu’il les a maintenus en ce qui concerne les Wolgal, Ngarego, Theddora, Kulin, Jupagalk (N. de Victoria et S. de la N.-G. du Sud)[4]. À propos des magiciens Theddora[5], nous savons de plus que ceux-ci montaient au ciel à l’aide d’une sorte de « fil d’araignée qu’ils sécrétaient de leur bouche[6] ».

  1. J. Eyre, ibid., p. 367, mentionne des individus montés au ciel par une corde ; et, p. 362, une révélation de chants et de rites par un esprit (des esprits ?).
  2. Sur la nature des dieux australiens, voir Tylor, On the Limits of the Savage Conception of God, J. A. I., XXII, p. 480 et suiv. ; A. Lang, The Making of Religion, 1899, p. 268 et suiv. ; Magic and Religion, 1901, p. 36 et suiv. La vérité nous semble assez éloignée des deux théories soutenues (Voy. C. R., in Année sociologique, VI, p. 173). Au surplus, une bonne mythologie australienne est encore à faire.
  3. On some Australian Beliefs, J. A. I., XIII, p. 194.
  4. Ibid., p. 195 ; A. M. M., p. 49, l’esprit révélateur est Tharamulun (Daramulun), le grand dieu (?) des mystères de l’initiation, identifié souvent soit avec l’ancêtre mythique (le mot est traduit par : notre père), soit avec le son des « diables » (bull-roarer). — À propos des Kulin et Jupagalk, le texte, Australian Beliefs, nous parle simplement de l’ascension habituelle du magicien, mais nous en concluons qu’il y a eu une première ascension révélatrice.
  5. Austr. Bel., p. 197.
  6. Ibid., p. 197.