Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus nous empêcher de tenter la classification des quelques faits que nous voulons grouper[1].

La notion de pouvoir magique ne se présente pas, en Australie, sous la forme complexe et complète qu’elle possède dans les sociétés mélanésiennes et polynésiennes. Là les vertus des esprits, des choses, des rites et des magiciens, sont toutes désignées sous le nom générique de mana[2]. Nous ne la rencontrons guère, à notre avis, que fragmentée en plusieurs notions. Cependant elle s’exprime quelquefois assez nettement. Chez les indigènes de la tribu de Perth (Australie occidentale), par sir G. Grey, nous savons, philologiquement, que le boyl-ya qaduk est celui qui boyl-ya et lance les boyl-ya (en l’espèce, de petits morceaux de quartz). Encore faut-il ajouter que, dans cette tribu, l’action et le pouvoir du magicien semblent avoir été réduits aux pouvoirs maléficiaire et curatif[3].

  1. Nous n’avons pas à donner ici un aperçu général des différents pouvoirs que les Australiens reconnaissent à leurs magiciens. On en trouvera d’ailleurs une bonne description dans Howitt, On some Australian Beliefs, J. A. I., XIII, 1884, p. 197. Cf. des observations très justes du même auteur in A. M. M., p. 25 et 26, sur la nature de ces pouvoirs et sur le degré de sincérité du magicien qui y croit relativement.
  2. Voir H. Hubert et M. Mauss, Esquisse d’une théorie générale de la magie, Année sociologique, VII, p. 108 et suiv.
  3. Voir Grey, Two Expeditions, etc., « Boyl-ya yongar boyla-gaduk », dit l’indigène Kuiber à Grey ; que Grey traduit « The Boylya are natives who have the power of boylya », et que nous traduirions « Les Boylya sont gens qui ont du Boylya », II, p. 338, ibid., p. 337. Le boylya est un morceau de cristal ; cf. ibid., p. 266, 326, 340 (anecdote précise) ; voir Grey, Vocabulary of the Dialects of Sth.-W. Australia, 1844, Boyl-ya, « a sorcerer, the buck witch of Scotland, a certain power of witchcraft », p. 17, cf. p. 18, s. v. boyl-ya gaduk, p. 121, 122, 127, s. v. wall-byne et Weer-go sur la façon dont les boyl-ya (charmes, esprits, sorciers) entrent dans le corps du malade sous la forme de cristaux et comment le magicien les en fait disparaître. Les autres auteurs qui ont écrit sur ces mêmes tribus (ce sont à la fois les plus anciennement et les seules connues de l’Australie occidentale) ne semblent pas avoir rien ajouté aux documents de Grey, si même ils ne les ont pas copiés ou tout au moins subi leur ascendant. Nous ne pouvons faire d’exception à cette observation crilique que pour : Scott Nind, loc. cit., J. R. Geogr. Soc., I, p. 41, 42, témoignage antérieur, Mrs E. Millet, An Australian Parsonage, etc., 2e éd., London, 1872, p. 79, dont le renseignement est sans intérêt et pour Mgr Rudesindo-Salvado, Mémoires historiques sur l’Australie, trad. fr., 1854, p. 261, 262, 328 (les pierres magiques seraient appelées coglio